La jeunesse d’Oman exprime depuis janvier sa soif de libertés et de réformes. Le cycle de mobilisations s’est intensifié fin février par un mouvement (sit-in et tentes) de chômeurs, d’étudiants et de précaires protestant jour et nuit dans plusieurs villes simultanément (Sohar, Sallala, El Heïma, Chinas, Buraïmi, Jaalan Beni Bouali, Liwa, Saham, Alsuwaik, Ibri, Muscat) contre le chômage et la cherté de la vie, la corruption ou la dégradation de l’environnement. Ils exigent notamment des emplois, le développement, des poursuites judiciaires à l’encontre de fonctionnaires du gouvernement, des créations d’infrastructures universitaires et hospitalières, enfin la répartition des richesses : « Où est le pétrole ? Où est le gaz ? » Les manifestants bloquant l’accès à la zone industrielle de Sohar, l’armée est intervenue pour les déloger (avant de les expulser de la place Sohar le 29 mars). La répression par balles des manifestations de février à entraîné la mort d’au moins un manifestant, Abdullah Alghamalassi, et plusieurs blessés. Dans la foulée, les travailleurs de la fonction publique (santé, poste, audiovisuel, instituteurs) et des compagnies nationales (Oman Air, Oman International Bank, Oman Investment Finance Company) se sont mobilisés devant leurs administrations respectives pour obtenir des hausses de salaire et des réformes sectorielles. Ce mouvement a culminé avec la grève des travailleurs des compagnies pétrolières et gazières (Petroleum Development Oman, Oman Metanol Society).
Le pouvoir a dû accéder à certaines revendications, comme la revalorisation des salaires dans le public, celle des retraites et des bourses des étudiants, annoncer la création de 50 000 emplois, procéder à un remaniement ministériel et renvoyer des ministres dont les manifestants exigeaient le départ, en raison de leur corruption. Enfin, il a demandé à une commission de présenter sous trente jours un amendement à la Constitution, visant à doter l’Assemblée de pouvoirs législatifs. Ces premières mesures n’ont pas calmé le mouvement, loin de là. Le licenciement d’un journaliste de la radio qui avait manifesté pour la liberté d’expression dans les médias a entraîné une nouvelle mobilisation pour les libertés démocratiques. Le 24 mars, les travailleurs du privé ont fait un sit-in dans la capitale, exigeant des hausses de salaires équivalentes à celles du public. Le 26, les chauffeurs de cars scolaires de Saham ou Liwa ont fait grève. Enfin, des centaines de manifestants ont fait le siège de l’ambassade du Bahreïn pendant une semaine d’affilée. Cette situation est suivie de près par les États-Unis, qui ont conseillé aux autorités de procéder à des réformes, et par le Conseil de coopération du Golfe qui a alloué des fonds à Oman pour l’aider à contenir, en y cédant, le mouvement de contestation naissant.
Le sultan Qabous, au pouvoir depuis 1970, qui concentre les attributions de Premier ministre, chef des armées, gouverneur de la Banque centrale et ministre de la Défense, et n’a pas autorisé les partis politiques, a institué au début des années 1980 une assemblée consultative, élue au suffrage universel depuis 2003. Les syndicats sont autorisés depuis 2006. L’émergence d’une nouvelle génération, essentiellement urbaine et scolarisée – moins révérencieuse que ses aînés à l’égard d’un souverain qui a appuyé sa légitimité sur la rente pétrolière pour équiper le pays – et qui voit ses ambitions ruinées par le manque d’emplois, est à l’origine du mouvement de 2011.
Luiza Toscane