Après un cycle de discussion entre les deux composantes politiques démarré en avril-mai 2011, confirmé à Doha en février 2012, les deux forces antagonistes Hamas et Fatah se sont décidées à former un gouvernement dit de « technocrates » adoubé par les autorités de Gaza et de Ramallah.
Malgré les désaccords exprimés par le Hamas concernant la nomination de Riyad Al-Malki comme ministre des Affaires étrangères (en place depuis 2007) et la suppression du ministère des Prisonniers, ce nouveau « gouvernement » a prêté serment le vendredi 6 juin. Au -delà des affaires courantes, sa mise en place doit préparer un nouveau round d’élections en Cisjordanie et à Gaza. L’unité palestinienne ne peut que renforcer la force de la résistance. Encore faut-il analyser les bases politiques de cette entente. De fait l’autorité nationale palestinienne « unie » perpétue sa démarche des cycles découlant de Oslo. L’accord signé ne peut être plus clair : reconnaissance de l’État d’Israël, condamnation de la lutte armée, et reconnaissance et acceptation de tous les accords passés.
Changement de cap pour le HamasDe Oslo en passant par les phases Wye Plantation de 1998, Camp David en juillet 2000, Sharm el-Sheikh en 2005, Annapolis en 2007 et la mise en place du Quartet (ONU, UE, USA et Russie), l’enfermement de la population, le vol des terres, les restrictions économiques, l’emprisonnement massif, la « judaïsation » de Jérusalem et le blocus de Gaza se sont renforcés du fait des politiques colonisatrices israéliennes. Lui qui déclarait ne pas reconnaître l’État d’Israël, le Hamas change de cap politique, un changement qui découle sans aucun doute des évolutions politiques régionales. La chute de son allié en Égypte, par le coup d’État du Maréchal Sissi, la situation depuis trois années en Syrie, l’ont conduit à un alignement de plus en plus marqué sur les politiques des monarchies du Golfe et à marcher dans le sillon tracé par Mahmoud Abbas. La reconnaissance rapide du nouveau « gouvernement palestinien » par les puissances impérialistes (USA – Union européenne), suivi de près par la Russie et la Chine, permettra-t-elle à cette autorité palestinienne d’aboutir aux objectifs du peuple palestinien, la création d’un État de plein droit, le retour des réfugiés, la libération des prisonniers ? Poser la question, c’est interroger les politiques israéliennes connues de tous.
L’expansion israélienne continueEn 2006, le Likoud de Benyamin Netanyahou publiait officiellement son programme politique. Parmi les points forts de son plan : « Israël annexera une partie désignée de la Judée et de la Samarie [Cisjordanie]. Des zones autogouvernées arabes seront instaurées... ». On ne peut être plus clair sur le refus d’un État palestinien de plein droit ! Depuis 2003, date de l’élaboration de la « feuille de route », la dite « communauté internationale » se prononce contre la colonisation, sans pour autant mettre en œuvre de véritables sanctions contre l’État colonial qui annonce régulièrement la construction et l’extension des colonies implantées en Cisjordanie. L’expulsion des Palestiniens de Jérusalem, la destruction des habitations palestiniennes, le vol des maisons par les colons protégés par l’armée, comme c’est le cas dans le quartier de Sheikh Jarrah, n’entraînent que de vagues « inquiétudes », des phrases de condamnation à minima venues des chancelleries qui laissent de fait l’État colonial poursuivre sa politique expansionniste !
Refonder une force politique de résistanceDès l’annonce de l’accord de gouvernement soutenu par le Hamas et le Fatah, les réponses israéliennes ont été à la hauteur de cet État voyou : lancement de projets de construction pour plus de 3 000 logements dans les colonies, gel partiel des taxes douanières dues à l’Autorité palestinienne, refus de libérer le dernier contingent de prisonniers comme annoncé lors de la reprise des dites négociations Autorité palestinienne - Israël... Qui peut croire à la volonté israélienne d’aboutir à un véritable accord pour deux États vivant côte à côte ? En fait, ce nouveau gouvernement de l’autorité nationale palestinienne met sous silence la nécessaire refondation de l’OLP, le seul représentant légitime du peuple palestinien, qu’il soit sous occupation, dans les camps de réfugiés à l’étranger ou dispersé sur la planète. Seule une refonte complète de l’OLP, intégrant toutes les forces politiques de la résistance, définissant une stratégie de libération nationale, peut sceller l’unité palestinienne pour obtenir le droit et la justice !
Marc Prunier