Entretien. Bilbao, samedi 12 janvier, plus de 110 000 manifestants dans les rues de la capitale de la Biscaye (Pays basque), pour exiger le respect des droits des prisonniers basques. Une délégation du NPA, conduite par Philippe Poutou, était invitée en tête de manifestation. Quelques heures avant, une rencontre a eu lieu entre Philippe Poutou et Joseba Alvarez, responsable national de l’organisation indépendantiste basque Sortu.Peux-tu expliquer ce qu’est Sortu ?Sortu signifie « naître » en basque. Nous avons créé ce parti le 9 février 2011, et nous nous revendiquons de l’indépendance du Pays basque et pour le socialisme. Notre existence légale, qui est aujourd’hui un fait, nous est cependant continuellement disputée. Quoi qu’il en soit, nous avons été légalisés le 20 juin 2012 par le tribunal constitutionnel espagnol, à une voix près ! 6 contre 5…On vous présente souvent comme la continuité de l’ancien parti Herri Batasuna puis, plus récemment, de Batasuna, deux partis interdits ces dernières années et dont les dirigeants ont été ou sont encore en prison. Qu’en est-il ?Il est exact que moi, par exemple, j’étais membre de Batasuna et que j’ai été emprisonné plusieurs fois. Mais, dorénavant, Sortu, c’est tout autre chose. Après quarante années de lutte, nous avons conclu à la nécessité d’un changement stratégique en profondeur. Il y a eu dans nos rangs un intense débat, pas seulement sur la décision de l’arrêt définitif de la lutte armée mais en réalité de fond en comble.Un tournant majeur a été par exemple l’après « Loyola » (négociations avec le gouvernement espagnol et rupture de ces négociations en 2010 ; Loyola étant une ville proche de San Sebastian – NDLR). Le gouvernement de Madrid n’a pas respecté ses engagements. Dans ce contexte, nous avons réfléchi et considéré alors que la société basque et le monde en général avaient changé. Il est devenu notoire pour nous que le passage par la lutte armée ne marche plus. Ni ici ni en Catalogne d’ailleurs. Il faut aller vers un nouveau cadre juridique au Pays basque. Cela signifie quoi concrètement ?Notre plan de marche est le suivant : l'arrêt de la lutte armée ; le rassemblement de tout ce qui est à la gauche de la droite basque représentée par le PNV (parti nationaliste basque, parti bourgeois démocrate-chrétien, majoritaire) ; l'union à l’intérieur de cette gauche pour aller à la conquête d’une majorité politique institutionnelle qui devienne en définitive idéologiquement majoritaire au Pays basque ; la recherche de points d'appui internationaux importants ; le rétablissement des relations avec les États français et espagnol.À ce jour, où en êtes-vous de ce processus ?Le bilan actuel est très simple à établir. La lutte armée est terminée et bien terminée. Ce pas important a été unilatéral de la part de la gauche abertzale (les nationalistes basques). D’autant plus unilatéral que nous ne cédons pas aux attitudes provocatrices des États espagnol et français qui multiplient les arrestations et autres forme de répression. Nous avons constitué des coalitions électorales telles que EH Bai au nord, Bildu au sud. Cette dernière est devenue la deuxième force électorale derrière le PNV, mais la première en nombre d’élus.Le rassemblement de la gauche abertzale a donc été réalisé en particulier autour de beaucoup de questions sociales mais aussi des objectifs de défense des droits des prisonniers politiques, pour leur rapprochement au Pays basque, pour la libération des prisonniers malades…Voilà pour ce qui est entamé. Le reste est encore à construire, en particulier la consolidation de ce support international dont je parlais, après la conférence d’Aiete.1La question clé pour nous, c’est aux Basques et à eux seuls de décider de leur avenir sous la forme qu’ils décideront : statut de souveraineté, souveraineté associée, etc. Pour débattre de ces problèmes, nous tenons notre congrès le 23 février prochain, à Pamplona-Iruna. Nous y invitons fraternellement le NPA.Propos recueillis par Pedro Carrasquedo1. La Conférence internationale de paix de Aiete est une déclaration intégrale sur la paix au Pays basque, qui s'est tenue lundi 17 octobre 2011 à Saint-Sébastien. Aiete était l'ancienne résidence de Franco...