À l’issue de l’importante manifestation de soutien aux prisonniers basques du samedi 9 décembre, nous avons rencontré Juan Salazar Fagoaga, militant du Comité de solidarité avec le peuple basque à Paris.
Tu as participé à l’organisation de la manifestation de samedi dernier. Quelles sont les revendications portées par celles et ceux qui ont défilé dans les rues de Paris ?
Les 11 000 manifestants, venus du Pays basque mais aussi de nombreux franciliens, ont dit au gouvernement que la paix en Pays basque, véritable et définitive, ne se fera que si la question des prisonniers trouve une solution juste. La conférence d’Aiete le 17 octobre 2011 a adopté une feuille de route en cinq points. Le premier était la demande faite à l’ETA de déclarer la fin de ses actions armées et un dialogue sur les conséquences du conflit. Trois jours plus tard l’ETA répondait positivement et a tenu parole. Mais sur les autres points, qui demandaient aux gouvernements français et espagnol d’accepter ce dialogue et de traiter de la question de toutes les victimes, on n’a pas avancé, ils ont été sourds à ces recommandations et à la demande de la société basque. Concrètement, les manifestants ont réclamé au gouvernement français la fin du statut de « détenu particulièrement signalé »1 appliqué à la plupart des prisonniers, leur rapprochement et regroupement près du Pays basque, la libération des prisonniers malades, la libération conditionnelle de celles et ceux qui y auraient droit si le droit commun leur était appliqué. Ces mesures urgentes s’inscrivent dans le cadre d’un règlement global et définitif du dossier des prisonniers. 62 sont dispersés dans 20 prisons françaises, très loin du Pays basque, certains gravement malades comme Ibon Fernandez Iradi qui est maintenu en prison malgré deux expertises médicales concluant à l’incompatibilité de son état avec la détention.
En quoi la situation a-t-elle évolué ces derniers mois ?
Le processus était bloqué depuis 2011. Pourtant de nombreux pas ont été faits. L’ETA en 2014 a mis hors d’usage une partie de son armement, sous le contrôle de la Commission internationale de vérification. La société civile basque et des organisations comme la LDH, Bake Bidea, le Forum social2 ont organisé une conférence humanitaire pour la paix à l’Assemblée nationale en 2015. L’événement qui a permis une évolution de cette situation a été l’action menée par ceux que l’on a ensuite nommés les artisans de la paix à Louhossoa, le 16 décembre 2016. Des figures connues de la société civile, et Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, ont entrepris de neutraliser une partie de l’armement de l’ETA, l’État français refusant de s’engager dans ce processus. Cinq ont été arrêtés, et il y a eu une mobilisation exceptionnelle pour leur libération. Elle a abouti à la journée du désarmement intégral de l’ETA du 8 avril, où cette fois le gouvernement a permis cette opération.
La position du gouvernement français laisse-t-elle envisager des avancées ?
Le 8 avril a été le premier signe d’ouverture. Depuis, un espace de dialogue s’est ouvert avec le gouvernement français et des parlementaires. Le retrait de la liste « détenu particulièrement signalé » de quelques prisonniers est un signe de cette évolution qui permet d’envisager des avancées, mais la mobilisation la plus large possible reste la clef du processus de paix et de règlement du conflit en Pays basque.
Propos recueillis par Robert Pelletier
- 1. Ce statut répond à des critères établis par le ministère de la Justice avec des conditions d’incarcération plus ou moins dures. Les DPS sont parfois accompagnés en permanence dans leurs déplacements, qu’ils soient internes ou externes, et peuvent subir des contrôles nocturnes systématiques.
- 2. Forum social permanent du Pays basque sud et nord qui regroupe une quinzaine d’organisation sociales et syndicales et autant de personnalités.