Un mandat d’arrêt européen (MAE) a été envoyé par l’État espagnol à l’État français au mois d’avril dernier visant Émilie Martin.
Celui-ci lui a été notifié le 6 octobre et l’audience devant le juge a eu lieu le 11 octobre au tribunal de Pau. Suite à cette notification, Émilie doit obligatoirement pointer tous les lundis à la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port (64), son lieu de résidence, et ne doit pas quitter le territoire français.
Il lui est reproché d’être la porte-parole de Herrira, une organisation de soutien aux prisonnierEs basques (presos) créée en 2012 au Pays basque nord et sud. Herrira, que l’on peut traduire par « retour au pays », a été suspendue au sud par l’État espagnol en 2013. Ce dernier a mis les scellés sur ses locaux et saisi tous ses biens. Dans le même temps, 46 personnes de nationalité espagnole ont été convoquées devant un juge, mises en examen mais laissées en liberté. La seule incarcérée depuis trois ans est une avocate, Arantxa Zulueta, maintenue dans un isolement total...
Émilie a également été convoquée deux fois par la justice espagnole, mais a refusé de se rendre Madrid. Un premier MAE la concernant avait été envoyé à la juge Laurence Levert du parquet anti-terroriste de Paris, puis transmis à la procureure de Bayonne. Cette dernière avait refusé d’agir, Herrira étant une organisation légale en France. Et c’est là l’inacceptable du dossier : Émilie est inculpée pour des activités... tout à fait légales en France, comme l’organisation d’Ongi Etorri (des cérémonies de bienvenue) pour les presos libérés (comme ce fut le cas pour Lorentxa Guimon en début d’année). Il faut savoir qu’Émilie n’a pas passé la frontière franco-espagnole depuis dix ans et que les faits qui lui sont donc reprochés se seraient passés au Pays basque nord.
Des États qui ne connaissent que la répression
On ne peut que rapprocher son cas de celui de sa sœur, Aurore, déjà condamnée et emprisonnée en Espagne, dans la volonté de la justice espagnole de s’en prendre à tout ce qui touche au soutien des presos, libres ou encore incarcérés. Aurore est aujourd’hui la porte-parole de l’organisation Bagoaz, composée de diverses organisations politiques et humanitaires, qui se bat pour les droits des presos.
À l’appel de nombreuses organisations1, un rassemblement regroupant 200 personnes a eu lieu devant la sous-préfecture de Bayonne le 10 octobre pour exiger la non-application du MAE contre Émilie, la libération de l’avocate Arantxa Zulueta et la fin des poursuites à l’encontre de toutes les personnes mises en examen.
Émilie et son avocate sont ressorties confiantes du palais de justice de Pau. Le procureur a plaidé le rejet du MAE en argumentant que tous les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés sur le territoire français et, de ce fait, qu’ils n’avaient rien d’illégaux, puisque l’organisation Herrira n’y est pas interdite. Il a également demandé la levée des obligations de contrôle judiciaire qui lui sont imposées depuis le 6 octobre. La décision de la cour d’appel de Pau sera connue le mardi 18 octobre.
On peut espérer qu’elle ira dans le sens du réquisitoire du procureur. Mais l’on sait aussi qu’au Pays basque, malgré la volonté d’une grande partie de la société basque de tourner la page et d’aller vers la « paix », les États espagnols et français sont prêts à user de tous les moyens pour bloquer ou ne pas participer aux processus mis en place. Jusqu’à aujourd’hui, la seule voie qu’ils connaissent, c’est bien celle de la répression.
Sylvie Laplace
- 1. Abertzaleen Batasuna, Aitzina, Anai Artea, Autonomia Eraiki, Bake Bidea, BIZI, Collectif contre les violences sexistes, CAR/EKB, CFDT Pays basque, CFDT Santé-sociaux, CGT Cheminots, CGT Territoriaux Biarritz, Cimade Bayonne, CDDHPB, EÉLV, EHBAI, EHZ, ELB, Emazteek diote, Ensemble, Etxerat, Indar Beltza, LAB, LDH, NPA, OIP Bayonne, PAF, Sortu.