Publié le Jeudi 9 janvier 2025 à 15h00.

Soudan, vers une paix pour les seigneurs de guerre ?

La médiation de la Turquie dans le conflit soudanais pourrait aider à la paix mais marginaliserait les forces révolutionnaires.

 

Voilà plus de vingt mois que la guerre au Soudan fait rage entre les Sudanese Armed Forces (SAF) conduites par Burhan, et les Rapid Support Forces (RSF) dirigées par Hemedti avec des dizaines de milliers de morts et six millions de personnes déplacées. L’entremise turque permettrait une solution au conflit.

Une offre turque...

À la différence des efforts diplomatiques menés par les États-Unis en lien avec l’Arabie saoudite, la médiation turque s’adresse à Burhan et aux États arabes unis (EAU) qui soutiennent fortement et depuis le début, même s’ils s’en défendent, les RSF. Il s’agirait donc d’une négociation entre deux entités gouvernementales. Le principe a été accepté par Burhan qui voit ainsi sa légitimité reconnue. Quant aux EAU, ils ont déclaré : « Les Émirats arabes unis sont pleinement prêts à coopérer et à coordonner les efforts turcs et toutes les initiatives diplomatiques pour mettre fin au conflit au Soudan ». Une formule ouverte qui prend soin cependant de ne pas les faire apparaître comme une force belligérante.

...pas forcément désintéressée 

La Turquie devient un acteur important sur la scène diplomatique. Elle est apparue comme une force décisive dans la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie et s’est illustrée par un accord diplomatique réglant le différend entre la Somalie et l’Éthiopie au sujet du Somaliland. 

De plus, Recep Erdogan, lors de la révolution soudanaise, a accueilli les dirigeants islamistes de l’ancien régime d’Omar el-Bashir qui ont fait un retour en force aux côtés des SAF contre les RSF. Le dirigeant turc s’accommodant parfaitement avec le principe de l’islamisme politique.

Outre lui donner une stature sur la scène internationale, conduire la médiation de paix est aussi une manière pour le pouvoir ottoman de se positionner comme un acteur économique majeur pour la reconstruction future du pays.

Marginaliser des forces révolutionnaires

L’offre turque est rendue possible par le discrédit grandissant des RSF qui, lors de leurs conquêtes territoriales, procèdent à un nettoyage ethnique avec une férocité inouïe rappelant les massacres qui eurent lieu au Darfour au début des années 2000. Devant une telle violence contre les populations, les groupes armés qui avaient au début du conflit observé une stricte neutralité ont pour la plupart rejoint les SAF. Dernier élément en date, la défection de Salah Jok, haut commandant de l’Armée de libération du Soudan (SLM/A) dirigée par Abdelwahid al-Nur, rejoignant avec une partie des troupes les SAF.

Si la médiation turque est plutôt un facteur positif pour Burhan, elle aura à coup sûr des effets néfastes pour les forces révolutionnaires du Soudan qui restent les seules capables d’apporter une aide humanitaire aux populations dans les zones de conflit. Les arrangements diplomatiques entre États risquent de se faire au détriment des droits sociaux et démocratiques des populations en remettant en selle les hommes de l’ancien pouvoir honni.

Paul Martial