Fire and Fury (le Feu et la fureur), le livre du journaliste Michael Wolff, sorti le 5 janvier, est devenu un événement politique, nouvel épisode du psychodrame dont la Maison Blanche est le théâtre et dont les grands médias internationaux se délectent.
Trump y est décrit comme un quasi-illettré, grossier, incompétent, borné qui ne lit jamais.... Rien de bien neuf semble-t-il et, au-delà des petites phrases et des faits, ce livre et l’agitation médiatique qu’il suscite donnent une image édifiante de la décomposition morale et politique que le pouvoir et l’argent engendrent. L’auteur, fasciné par les puissants, ne semble pas valoir mieux que son sujet. D’après lui, Trump n’imaginait pas gagner les élections, quel scoop, personne ne l’imaginait, et ne voyait dans sa campagne qu’une opération publicitaire qui ferait de lui l’homme le plus célèbre du monde. L’auteur se fait l’instrument de la vengeance de Steve Bannon, leader d’extrême droite et ancien conseiller spécial de Trump, qu’il cite abondamment, et avec lequel Trump règle ses comptes en affichant une rupture bruyante. Cette dernière ne répond en rien aux accusations concernant en particulier la question de ses relations avec Poutine durant la campagne. Bannon ironise sur cette « bonne idée de rencontrer un gouvernement étranger au sein même de la Trump Tower, dans la salle de réunion du 25e étage – sans la présence d’avocats. » Qu’importe pour Trump qui affiche son autosatisfaction sur Twitter : « En fait, dans ma vie, les deux plus grands atouts ont été l’équilibre mental et le fait d’être, genre, vraiment intelligent », se qualifiant de « génie très équilibré ».
« Le feu et la fureur » du capital
Cette bulle médiatique déstabilise Trump, tout en lui permettant de faire son autopromotion à la manière d’un animateur de téléréalité. Il sait qu’il a un atout pour s’imposer à ses détracteurs. Il est en train de mener, pour leur compte et leurs intérêts, une guerre de classe cynique et sans complexe : 1,5 milliard de baisse d’impôts accordées au 1 % les plus riches, un argument qui vient à bout de bien des réticences. Un cadeau indécent et sans précédent, qui a comme contrepartie des coupes budgétaires massives au détriment des services publics et de la protection sociale.
La « folie » de Trump relève plus de politique que de psychiatrie. Elle est le produit de l’exacerbation, sans fard et sans limite, de préjugés de classe contre les travailleurEs et les peuples. Comme quand il affiche son mépris des pays victimes du pillage colonial, puis impérialiste, les qualifiant de « pays de merde », en poursuivant sa sinistre offensive contre les immigréEs. Cette frénésie des classes dominantes fait des émules de par le monde parmi les forces réactionnaires d’extrême droite ou religieuse, xénophobes et racistes, ou sous des formes moins agressives mais tout aussi dangereuses.
Tels sont les symptômes de la fuite en avant de ceux qui osent prétendre servir la société alors qu’ils servent les intérêts d’une petite minorité parasite et qui croient que tout leur est dû et leur appartient.
À l’occasion des Golden Globes, la productrice, présentatrice et actrice afro-américaine Oprah Winfrey a affirmé, durant son éloquente et puissante allocution parlant de la révolte des femmes : « un nouveau jour se lève ». Oui, en réponse à l’arrogance criminelle des classes dominantes, un nouveau jour se lève, il n’est pas celui du parti démocrate, mais bien celui de la révolte et de la lutte collective.
Yvan Lemaitre