Austérité et répression figurent parmi les innombrables facettes du gouvernement islamiste. Le 25 décembre dernier, une semaine à peine après la commémoration du troisième anniversaire du début de la révolution, Abdessalem Hidouri et Farid Slimani sont arrêtés par la police…
Ils sont soupçonnés d’avoir attaqué, à la tête d’une manifestation populaire, le poste de la Garde nationale à Menzel Bouzayène, et d’y avoir mis le feu. Les faits qui s’y rattachent remontent au lendemain de l’assassinat de Brahmi, député à l’Assemblée constituante et dirigeant du Front populaire, le 25 juillet dernier.
Abdessalem et Farid sont enseignants et militants révolutionnaires très actifs. Abdessalem est aussi un cadre syndical, et l’un des dirigeants très actif de l’insurrection de décembre 2010. Sa ville, Menzel Bouzayène avait pris très rapidement le relais de Sidi Bouzid, toute proche. Il était aussi l’une des figures du sit-in Kasba 2 à Tunis, fin février 2011, qui fit tomber le second gouvernement de Mohamed Ghannouchi, Premier ministre de Ben Ali, qui a été maintenu dans son poste 42 jours après la chute de Ben Ali.
L’arrestation des deux militants est intervenue le jour anniversaire de la mort du premier martyr de la révolution, tombé à Menzel Bouzayène le 25 décembre 2011, un an aussi après l’assassinat de Brahmi, et au moment où a commencé à l’Assemblée constituante le débat sur la loi de finance et le projet de budget 2014. D’autres militants et syndicalistes ont été aussi arrêtés à Kairouan et à Sfax.
Dans le camp de l’opposition et parmi les syndicalistes, les réactions condamnant cet acte ignoble et traître sont très fermes et très nettes. Un rassemblement a eu lieu devant le siège de la centrale syndicale à Sidi Bouzid, puis une manifestation réclamant la libération immédiate des deux militants a parcouru la ville. Le 27 décembre, le juge d’instruction a ordonné la libération d’Abdessalem et de Farid. C’est une victoire, mais partielle car les charges assez graves qui pèsent sur eux sont maintenues. Ils sont en attente de jugement.
Sur fond de crises politique, sociale et économique
Ces arrestations interviennent dans un climat de crise générale, particulièrement à un moment où le gouvernement islamiste, empêtré dans les problèmes et entachés par de nombreux scandales, se fait pousser vers la sortie. Deux ans de pouvoir islamiste ont été largement suffisants pour faire prendre conscience à une majorité de tunisienEs de leur nature aussi nocive que dangereuse. Le masque de la piété et de la droiture, entretenu par un discours religieux enflammé, n’a pas résisté à leur avidité insatiable au pouvoir et à l’argent, que les plus modérés des Tunisiens considèrent plus vorace que celle des clans de Ben Ali et des Trabelsi.
Par ailleurs, leur bilan économique et social est tout simplement catastrophique. Non seulement le chômage et la pauvreté ont progressé à vue d’œil, mais les prix aussi. Et le pays vit aujourd’hui sous la menace des assassinats politiques et des actions terroristes des djihadistes.
Le projet de budget qui vient d’être adopté ne va rien arranger. Pire, c’est un cocktail explosif, et c’est bien le cas de le dire, de mesures d’austérité qui s’attaquent aux salaires, à l’emploi, aux services sociaux, aux prix et aux produits de première nécessité.
Ces arrestations semblent bien s’inscrire dans un plan répressif afin de faire face aux contestations populaires que les mesures d’austérité ne vont pas manquer de soulever un peu partout dans le pays, notamment dans les régions du centre et du sud, bastions de la révolution.
De Tunis, Fathi Chamkhi