Le résultat des élections pour le parlement de Madrid annonce un conflit électoral long et tendu dans tout l’État espagnol et, en même temps, est un signe des problèmes qui affectent la gauche.
Le Parti populaire (PP) a déterminé le cadre dans lequel le débat politique et la campagne devaient se dérouler, rendant la discussion non pas régionale mais espagnole. Le leadership d’Isabel Díaz Ayuso du PP est le produit d’un marketing politique, avec des positions trumpistes qui font pencher l’équilibre interne du parti conservateur vers des positions encore plus néolibérales, autoritaires et de droite.
Victoire incontestable de la droite
La situation objective de la classe ouvrière, victime de la situation sanitaire et économique liée à la pandémie, s’accompagne d’un facteur très négatif : la démobilisation et la passivité face à la situation. Les grandes confédérations syndicales pratiquent une politique de concertation sociale avec les patrons qui détériore le rapport de forces. En même temps, le mouvement souverainiste catalan se trouve dans une impasse, de sorte que la situation des mobilisations populaires est pire qu’avant la formation du gouvernement de coalition du Parti socialiste (PSOE) avec Unidas Podemos (UP).
La droite a obtenu 57 % du vote populaire contre 42 % pour la gauche. Le PP a obtenu – avec une participation record de 76,2 % – 65 sièges sur les 136 que compte la chambre, et dépasse les 58 obtenus par l’ensemble de la gauche, ce qui, ajouté aux 13 obtenus par le parti d’extrême droite Vox, signifie que l’extrême droite et la droite extrême disposent de 78 sièges. Más Madrid (MM) – organisation issue de Podemos – a 24 sièges et dépasse en voix le PSOE, qui tombe à 24, et UP en obtient 10.
Le discours trumpiste de Díaz Ayuso, dans lequel les profits des entreprises ont pris le pas sur la santé des gens, est soutenu par de larges secteurs de la société. De nombreuses personnes ayant des emplois très précaires et des revenus à risque ont été confrontées au dilemme de choisir entre la santé et la faim.
Il convient de noter que depuis des années, et plus encore dans cette campagne, l’ensemble des médias de la droite espagnole ont concentré toute leur haine sur Pablo Iglesias, faisant de lui l’objet d’un harcèlement personnel, familial et judiciaire à travers une campagne immorale.
Crise ouverte à gauche
Le PSOE, en manque de projet, a cherché un vote centriste inexistant. Son candidat Ángel Gabilondo a fait des déclarations suicidaires comme le gel des impôts ou le rejet des mesures anti-Covid comme la fermeture de l’hôtellerie et de la restauration. En d’autres termes, la même chose que ce qu’a dit Ayuso. Un symptôme de plus de la grave dérive du social-libéralisme et d’un gouvernement qui fonde toute sa politique sur l’arrivée miraculeuse des fonds de l’UE alors qu’il ne fait pas de réforme fiscale et que la dette publique atteint 130 % du PIB.
Le MM, qui se définit comme vert et progressiste dans le style de Die Grünen, a mené une campagne intelligente ; sa candidate Monica Garcia a donné un message clair sur les questions concrètes de santé et d’assainissement. Mais son orientation politique et programmatique montre également ses limites en tant que gauche alternative écologiste et socialiste.
L’UP, qui avait obtenu 7 sièges lors des élections précédentes, en a maintenant obtenu 10. Cependant, son résultat d’un point de vue politique a été un échec et Pablo Iglesias a démissionné de tous ses postes internes et institutionnels, ce qui signifie l’ouverture d’une crise interne sans précédent. Iglesias a dirigé la candidature de Madrid avec l’intention de faire partie d’un gouvernement régional. Il n’a pas réussi. Pendant la campagne, il a essayé de polariser le débat avec le PP et Vox en posant le dilemme « fascisme ou démocratie » avec une approche de front populaire des années 1930 qui cachait une orientation eurocommuniste. Son discours ne correspondait ni aux problèmes du peuple ni à la réalité. Et, ce qui est encore plus ridicule, il a fondé sa réponse antifasciste sur la vieille Constitution de 1978, fruit d’un pacte entre franquistes et réformistes. L’UP a payé la facture pour avoir gouverné avec le PSOE subordonné dans la pratique aux politiques néolibérales et pour avoir échoué à remplir les promesses et les attentes de changement politique qui ont vu sa naissance.