Une nouvelle fois, la mort à Baltimore le 19 avril de Freddie Gray, un jeune Noir de 25 ans, a bien été un meurtre commis par les forces de police.
Selon le rapport de la procureure Marilyn Mosby, il a succombé à une grave blessure au cou due à ses conditions de transport, pieds et mains menottés, sans ceinture, dans un fourgon de police. Freddie Gray ne respirait plus lorsqu’il a été extrait du fourgon, et une semaine plus tard, il succombait à ses blessures. Les policiers ont également refusé l’aide médicale qu’il avait réclamée à plusieurs reprises.Six d’entre eux sont poursuivis pour homicide, violences volontaires, agression et incarcération sans motif valable... et ont été mis en liberté sous caution.
Un point pour la révolte« Les vies des Noirs comptent », « Mettez fin à la terreur policière »... C’est bien la vague de révolte qui a secoué Baltimore et traversé tout le pays pour exiger la vérité qui a imposé l’inculpation des six policiers. Après les premières manifestations et les affrontements avec la police, le gouverneur a décrété l’état d’urgence : les écoles et lycées ont été fermés, une rencontre de base-ball annulée... Des centaines de militaires de la Garde nationale lourdement armés et de policiers sillonnaient les rues de cette ville de 620 000 habitantEs, ville occupée par des véhicules blindés et survolée par les hélicoptères de la police.Après la première nuit du couvre-feu, de nouvelles manifestations ont eu lieu pour exiger la vérité et dénoncer la misère, les inégalités, les discriminations, le racisme, rejetant les accusations d’être des « délinquants » dont les jeunes Noirs étaient l’objet. Dans le même temps, des milliers de personnes se sont mobilisées à New York et dans d’autres grandes villes : Washington, Boston, Seattle, Denver...
Un acte d’accusationLa vie de Freddie Gray est en elle-même un acte d’accusation contre ce système qui rejette les plus défavorisés. Condamnés à survivre dans les conditions déplorables des quartiers pauvres laissés à la dérive, frappés par le chômage, sa famille et lui vivaient d’indemnisations versées depuis 2008 à la suite de la constatation d’une présence élevée de plomb dans leur sang, liée à leurs conditions de logement dans le quartier Sandtown. Un journaliste du Washington Post rappelait que les enfants de ce quartier ont dans le sang des concentrations de plomb sept fois supérieures à la moyenne de la ville... Et comme bien des jeunes sans travail, livrés à eux-mêmes, Freddie Gray vivait de petits trafics, en permanence confrontés aux tracasseries policières.Les émeutes de Baltimore sont la mise en accusation de la misère qui frappe les classes populaires au cœur de la première puissance mondiale, ainsi que du racisme qui gangrène une police surarmée. Comme au lendemain du crime de Ferguson, Obama a bien été contraint de le reconnaître sans avoir d’autre réponse que de demander à la police et à la communauté noire de faire leur « introspection»... Cela alors que, depuis le début de 2015, 381 personnes ont été abattues par des officiers de police !La révolte de Baltimore n’est pas une simple réplique de celle de Ferguson. Elle pourrait représenter un pas en avant vers la prise de conscience de la nécessité de s’organiser pour résister.
Yvan Lemaitre