La Cour suprême des États-Unis, dans une attaque dévastatrice contre la liberté des femmes, a voté par cinq voix contre quatre pour mettre fin au droit constitutionnel et national à l’avortement aux États-Unis.
Cette décision laisse libre cours aux différents États pour interdire l’avortement : elle a donc déclenché la mise en œuvre de lois d’État déjà adoptées, de sorte que l’interdiction de l’avortement est entrée immédiatement en vigueur dans plusieurs États américains. Au total, dans un avenir très proche, 26 des 52 États vont probablement interdire l’avortement, affectant ainsi la vie des 33,5 millions de femmes qui y vivent.
Des dizaines de milliers de femmes, furieuses de cette décision, ont manifesté d’un bout à l’autre du pays, même si certaines femmes conservatrices l’ont quant à elle célébrée. En Arizona, des femmes en colère criant « Nos corps, notre choix » ont frappé aux fenêtres des bâtiments du Capitole de l’État jusqu’à ce que la police utilise des gaz lacrymogènes pour les disperser.
« Aujourd’hui est un moment très solennel pour les États-Unis », a déclaré le président Joe Biden. « La Cour suprême a expressément retiré au peuple américain un droit constitutionnel qu’elle avait déjà reconnu. Elle l’a simplement retiré. Cela n’a jamais été fait à un droit qui est si important pour tant d’Américains. »
Cette décision pourrait créer un précédent pour l’abolition d’autres droits. Le juge Clarence Thomas, l’un des cinq juges qui ont voté pour mettre fin au droit à l’avortement, a suggéré que la Cour pourrait, dans la même logique, supprimer le droit à la contraception, à des relations consensuelles entre personnes de même sexe et au mariage entre personnes de même sexe.
Bataille législative
La décision de la Cour est le résultat de cinquante ans de campagne contre le droit à l’avortement menée par l’Église catholique, les chrétiens évangéliques et les politiciens du Parti républicain. La nomination par l’ancien président Donald Trump de trois archi-conservateurs à la Cour suprême a rendu possible l’abolition du droit constitutionnel à l’avortement. Les militantEs du droit à l’avortement auront désormais deux stratégies politiques. Tout d’abord, faire pression sur le Congrès pour qu’il adopte une loi nationale garantissant le droit à l’avortement – bien que l’adoption d’une telle loi soit aujourd’hui impossible car les Démocrates n’ont pas les voix nécessaires. Les militantEs et les Démocrates tenteront également d’obtenir que les législatures des États protègent le droit à l’avortement dans leur État. Certains Républicains ont déclaré que s’ils remportaient la majorité aux élections de mi-mandat (en novembre prochain) au Congrès, ils feraient passer une interdiction nationale de l’avortement.
Les gouverneurs de plusieurs États libéraux comme New York, le Connecticut, la Californie, Washington et l’Oregon ont annoncé que les personnes souhaitant se rendre dans leur État pour y avorter sont les bienvenues et seront aidées. Dans les États qui ont adopté des interdictions d’avortement, comme l’Arizona, la Géorgie, la Louisiane, le Michigan, le Tennessee, le Texas et le Wisconsin, les procureurs libéraux des zones urbaines ont déclaré qu’ils n’appliqueraient pas les interdictions d’avortement.
Les femmes des États où l’avortement est interdit devront, si elles veulent avorter, soit se procurer des pilules abortives par courrier, soit se rendre dans d’autres États – parfois à des centaines de kilomètres. Les législateurs des États républicains proposeront des lois pour rendre ces deux options illégales.
Protéger les droits reproductifs
Bon nombre des plus grandes entreprises américaines, et en particulier les entreprises technologiques, se sont engagées à faire en sorte que leurs employées puissent se faire avorter en couvrant leurs frais de déplacement et en leur fournissant une assurance couvrant les procédures. La déclaration de Warner Brothers était typique : « À la lumière de la récente décision de la Cour suprême, nous avons immédiatement élargi nos options de prestations de soins de santé afin de couvrir les frais de transport des employés et des membres de leur famille couverts qui doivent se déplacer pour accéder à l’avortement et aux soins reproductifs », a déclaré un porte-parole de la société. JPMorgan Chase, la plus grande banque du pays, qui emploie quelque 170 000 personnes aux États-Unis, a adopté une position similaire. Il en va de même pour Starbucks, Tesla, Yelp, Airbnb, Microsoft, Netflix, Patagonia, DoorDash, Levi Strauss & Co, PayPal, Reddit, Disney, Meta (Facebook), et Condé Nast. Pour positives que soient ces positions, elles ne résolvent pas les problèmes des millions de femmes employées dans d’autres entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises où les salaires sont plus bas.
Les femmes et les organisations de défense de leurs droits, comme Naral Pro-Choice America et Planned Parenthood, seront à l’avant-garde de la lutte pour protéger les droits reproductifs restants des femmes et pour faire passer une législation visant à créer un droit national à l’avortement. La gauche socialiste sera à leurs côtés.
Traduction Henri Wilno