Nous reproduisons ici la déclaration adoptée par la direction nationale de Socialistisk Arbejderparti (SAP, Parti socialiste ouvrier, section danoise de la IVeInternationale) après les élections. Les SAP est un des trois partis fondateurs de l’Alliance rouge-verte (Enhedslisten-De).
Déclaration de la direction nationale du SAP
1. Le contexte
D’un point de vue général, le résultat des élections législatives du 15 septembre 2011 marque la conclusion provisoire d’une période de la lutte des classes et de la politique au Danemark, qui a commencé avec les manifestations de 2006 autour des revendications sociales. Cette période a été marquée par:
►a) Une reprise des mobilisations politiques extraparlementaires en comparaison avec la période 1987-2006;
►b) Une évolution à gauche des opinions politiques avec deux éléments consécutifs: d’une part une montée des partis ouvriers (de 33,1% en février 2006 à 49% en février 2011) et d’autre part un mouvement électoral parmi les électeurs des partis ouvriers d’abord en faveur des Sociaux-démocrates (SD) et du Parti populaire socialiste (SF), puis des SD-SF vers l’Alliance rouge-verte;
►c) Un désir et une attente du changement en relation avec le changement de gouvernement espéré.
Ces éléments ont été décrits de manière plus détaillée par Michael Voss dans son article (en danois)Cinq ans de mobilisations ouvrent la voie pour un nouveau gouvernement.
En même temps, le résultat des élections est aussi le fruit du ralentissement des mobilisations sociales et du déclin du soutien aux partis ouvriers observé depuis le début de cette année.
2. SD et SF perdent les élections mais gagnent le gouvernement
Le déclin des intentions de vote en faveur de la Social-démocratie et du Parti populaire socialiste a été régulièrement mentionné par les médias au cours de la campagne électorale. Mais ce déclin a commencé en février de cette année.
En février, les sondages indiquaient en moyenne 45,5% pour la coalition SD-SF et, en y ajoutant les estimations de l’Alliance rouge-verte, 49,9%, soit à un pouce d’une majorité «rouge» si on y ajoute l’électorat des Îles Féroé et du Groenland. C’était la troisième fois en trois ans que les estimations des votes ouvriers dépassaient 48%.
Entre février et la convocation des élections législatives, la coalition SD-SF a perdu 4,1% et le jour des élections 11,4%, dont seulement 3,2% ont fait le choix de l’Alliance rouge-verte. Comment pouvons-nous expliquer cette évolution?
En janvier-février, les débats sur la possibilité d’élections anticipées ont commencé à la suite du discours du Nouvel an du Premier ministre. Le bloc SD-SF tenait alors un discours social, presque un raisonnement de classe, une polémique anti-gouvernementale acérée qui avait construit une image radicale. Les dirigeants sociaux-démocrates des syndicats avaient organisé un rassemblement sur le même thème — prenant l’initiative pour éviter des actions plus radicales. Mais au cours de la période suivante les deux partis ont clairement modéré leur profil de classe et n’ont réagi que de manière vague à la participation des Radicaux de gauche(2) à la remise en cause de l’allocation de préretraite. Ils proclamèrent que les élections serviraient de référendum en ce qui concerne les retraites, mais ils n’ont pas conduit leur campagne dans ce sens. Même l’aile la plus radicale de la social-démocratie, les dirigeants du syndicat 3F(3), a préféré protéger les Radicaux plutôt que de s’engager en faveur de la rupture des partis ouvriers avec eux.
En plus, ils ont tout fait pour que les électeurs ne puissent espérer de véritables changements du futur gouvernement. Au cours de la campagne électorale, ils n’ont pas présenté d’alternative à l’orientation «de responsabilité économique» de la droite. Au contraire, ils se sont limités à indiquer d’autres manières pour accroître la compétitivité des employeurs.
Finalement, ils ont poussé leurs électeurs vers l’Alliance rouge-verte et vers les Radicaux de gauche en campant sur les positions du gouvernement de droite dans le domaine de la politique de l’immigration et des réfugiés.
Voici quatre importants aspects de cette évolution, mais il est sans doute possible de penser à d’autres encore.
3. La situation politique après les élections
L’évolution de la situation politique et sociale et les résultats des élections ont créé une situation parlementaire qui n’est certainement pas la plus facile pour l’Alliance rouge-verte.
Une claire majorité de gauche aurait permis à l’Alliance d’exercer une très forte pression sur la social-démocratie et le Parti populaire socialiste, car nous aurions pu décider de la majorité au Parlement. Au sein du Parlement, aujourd’hui, les Radicaux de gauche (si le Parti du peuple danois n’est pas une option) sont non seulement indispensables pour une majorité parlementaire, ils ont également remporté une victoire électorale qui rend très difficile de les écarter sans provoquer de nouvelles élections.
Au contraire, les rapports de forces parlementaires permettent aisément au bloc SD-SF de rendre l’Alliance responsable d’une démission du gouvernement («Enhedslisten renverse le gouvernement»). Il ne sera pas facile à l’Alliance rouge-verte de préserver sa ligne de classe inconditionnelle (aucun recul) et d’exercer en même temps une pression sur le gouvernement tout en s’assurant que de larges secteurs de la société comprennent bien que l’échec de ce gouvernement est le résultat de ses choix politiques et non du manque de soutien de notre part.
Cela souligne une fois encore que, pour exercer une pression sur SD-SF afin que leur gouvernement ne mène pas une politique de remise en cause des acquis mais au contraire une politique ne serait-ce que d’améliorations limitées, les exigences venant de l’extérieur du Parlement — de la classe ouvrière (des électeurs de SD-SF) — sont nécessaires.
Les expériences précédentes indiquent qu’il est difficile de mobiliser la population pour des actions extraparlementaires au cours des premiers six mois qui suivent les élections. Il est communément admis que nous avons eu notre chance et que nous devons utiliser maintenant notre droit de vote pour influencer la nouvelle majorité et que le nouveau gouvernement doit disposer du temps pour réaliser sa politique.
De plus, SD-SF ont sans doute réussi à limiter les attentes de la population.
Mais cela ne signifie pas qu’il n’est pas possible de construire une pression extérieure sur le nouveau gouvernement. Dès la première semaine qui a suivi les élections, certains dirigeants syndicaux sociaux-démocrates locaux ont demandé que les Radicaux de gauche ne soient pas acceptés dans le gouvernement si c’était nécessaire pour préserver l’allocation versée durant un temps donné aux chômeurs. Lors d’une conférence des délégués syndicaux du secteur public, sept demandes ont été adressées au nouveau gouvernement. Un dirigeant local du syndicat 3F, qui n’est pas connu pour son penchant à gauche, a déclaré immédiatement après les élections:«Nous devons demander au futur gouvernement qu’il prenne la responsabilité du destin du peuple et de sa situation désastreuse, en dépit des décisions déjà prises, car autrement l’État providence danois va s’écrouler.»
4. Incroyable résultat électoral de l’Alliance rouge-verte
Les résultats de l’Alliance rouge-verte aux élections législatives (15/09/2011)
annéenombre de voix%député(e)s
1990
54038
1,7%
0
1994
104701
3,1%
6
1998
91933
2,7%
5
2001
82685
2,4%
4
2005
114123
3,4%
6
2007
74674
2,2%
4
2011
236860
6,7%
12
Passer de 2,2% à 6,7% des suffrages exprimés et de 4 à 12 députés est un succès incroyable qui dépasse même les prévisions les plus optimistes. Plusieurs éléments nous ont aidés pour obtenir un tel résultat.
►Le fondement de cette croissance c’est le mécontentement croissant parmi les électeurs sociaux-démocrates et, plus particulièrement, ceux du Parti populaire socialiste. Ce déplacement électoral du bloc SD-SF vers l’Alliance s’est produit avant même que les deux partis ne montrent, en tant que gouvernement, ce qu’ils représentent réellement et où leur ligne politique conduit. L’explication, c’est que le SF en tant que composante de la coalition des deux partis, a complètement éliminé son propre profil d’aile gauche. Peu à peu un nombre de gens considérable a perdu la conviction que le SF pourrait tirer à gauche la social-démocratie.
Bien que, pour beaucoup d’électeurs, l’Alliance ait simplement remplacé le SF, il s’agit néanmoins d’un tournant à gauche d’une petite frange de la population. Dans la perception des électeurs, les partis occupent une place plus ou moins stable sur l’échelle gauche-droite et la plupart de nos électeurs ont voulu montrer une position plus à gauche en votant pour l’Alliance rouge-verte au lieu de voter pour le Parti populaire socialiste, d’autant que la campagne actuelle de l’Alliance était plus à gauche que la campagne de SF il y a quatre ans.
La campagne conduite par Enhedslisten et par le SUF a eu une grande importance pour ce résultat. Il suffit pour l’affirmer de noter que la plus forte croissance de l’électorat qui a choisi de voter pour nous a eu lieu au cours des trois dernières semaines (de 4,4% à 6,7%).
Premièrement, la campagne électorale de l’Alliance rouge-verte était très claire, mettant l’accent sur relativement peu de thèmes et de demandes politiques. Cela a joué un rôle, impressionnant les électeurs — indépendamment même du contenu de ces thèmes et exigences.
En outre, notre campagne avait un profil de classe, centrée sur le chômage (allocations et emploi), sur les bas revenus des salariés des services publics, la pauvreté des enfants et l’exigence que les riches doivent payer. L’Alliance rouge-verte fut aussi le seul parti qui a pris au sérieux les intérêts des électeurs pour le changement climatique et a avancé l’exigence des «emplois verts» publics.
►Deuxièmement, l’Alliance rouge-verte a réussi à populariser cette fois-ci mieux que jamais notre politique. Les électeurs pouvaient voir clairement ce que nous voulons et comment nous allions intervenir à l’issue des élections (dans le cadre existant).
►Troisièmement, nous avons clairement critiqué le gouvernement libéral-conservateur — et les Radicaux — même sur des sujets que les sociaux-démocrates et les populaires-socialistes voulaient écarter, comme ceux des étrangers et de la politique judiciaire.
►Quatrièmement, l’impact de l’appel deJohanne Schmidt Nielsena été remarquable. Il est important de souligner que cet impact n’a pas été dû à son âge et à son apparence, mais sur la combinaison de ces qualités avec une impressionnante capacité d’articuler clairement notre politique et de polémiquer avec les autres candidats sans agressivité.
►Cinquièmement, le fait d’avoir choisi de ne pas faire campagne autour des demandes clairement anticapitalistes a pu attirer plus de gens à voter pour nous (mais cela a un prix… voir ci-dessous). Il est peu probable qu’aujourd’hui près de 7% de la population soit convaincue par les mesures anticapitalistes. Il est donc probable qu’un profil plus clairement anticapitaliste aurait réduit notre succès électoral. En plus de l’absence d’un agenda anticapitaliste clair, il faut aussi souligner que plusieurs de nos candidats en vue ont fait preuve d’ignorance de la stratégie et du programme de l’Alliance rouge-verte, s’en sont distanciés et, dans quelques cas, l’ont directement critiqué.
5. L’Alliance rouge-verte après les élections
Ces résultats renforcent Enhedslisten au parlement. Même si cela ne nous assure pas une plus grande influence, cela nous donne une plus grande visibilité et un impact dans les débats politiques quotidiens.
Ensuite l’Alliance a beaucoup plus de membres qu’avant les élections. La campagne a aussi permis de mobiliser les membres qui ont été un peu passifs, et l’esprit militant est beaucoup plus élevé actuellement.
Enfin l’Alliance disposera de beaucoup plus de ressources, tant au Christiansborg (siège du Parlement) que pour le parti en tant que tel.
Cela nous assure une très bonne base de départ pour notre travail au cours des prochaines années.
Mais l’Alliance doit aussi faire face à de grands problèmes, en partie nouveaux. Comme mentionné auparavant, la situation au Parlement sera très difficile à gérer. Notre tactique devra être très réfléchie si nous voulons éviter une situation dans laquelle, ou bien nous renoncerions à nos principes en compromettant nos fondements politiques, ou bien nous serions étiquetés par une large majorité comme un parti sectaire, qui a renversé un gouvernement rouge pour défendre des principes stériles.
Il y aura une très forte pression sur nous venant de la droite. Elle est déjà là. Les journalistes, les commentateurs, les articles centraux demandent que notre parti devienne réaliste, pragmatique et responsable — autrement dit, un parti comme les autres. En partie cette pression viendra de SD-SF lorsque la situation aura atteint son paroxysme; nous la ressentirons dans les débats publics, mais nous aurons aussi affaire à des situations politiques mises en scène de manière à ce qu’il nous soit très difficile de faire comprendre pourquoi nous ne renonçons pas à nos principes pour sauver le gouvernement.
Une version spéciale de la pression peut venir de certains de nos électeurs et peut-être même de nos membres. Il s’agit de ceux pour qui l’Alliance joue le rôle de «l’ancien» ou du «véritable» Parti populaire socialiste.
Enfin la pression pourrait également être le résultat de notre propre crise d’identité, si le résultat des élections — le parti des 12 députés — nous montait à la tête et si notre objectif devenait, sans jamais le dire ouvertement, d’agir pour préserver ce résultat à tout prix.
6. Notre responsabilité partielle
Ces problèmes que nous devrons affronter sont pour une part indépendants de la manière par laquelle nous avons atteint notre grand succès et de comment nous sommes arrivés à l’actuelle situation parlementaire. Mais, pour une part, nous avons contribué à les créer.
Le populisme excessif de nos slogans, l’adoucissement partiel de nos désaccords avec les partis social-démocrate et populaire socialiste, la quasi-absence d’appels à des actions extraparlementaires, la mise de côté de nos propres slogans les plus explicitement anticapitalistes, le quasi-monopole de la représentation du parti dans les médias nationaux par Johanne Schmidt Nielsen — tout cela reflète le fait que l’obtention d’un maximum de votes a été la préoccupation principale de chaque initiative et de chaque déclaration au cours de la campagne électorale. Comme déjà mentionné, cela a contribué au résultat que nous célébrons tous. Mais, avec cette approche, l’Alliance rouge-verte a négligé de préparer le peuple, nos électeurs et nos adhérents pour la situation politique actuelle.
De ce fait nous devons faire face maintenant à un véritable risque, qui est que beaucoup de nos électeurs et de nos membres vont subir un choc majeur si nous échouons à obtenir une influence significative sur la politique du nouveau gouvernement.
À maintes reprises au cours de la campagne électorale, Johanne Schmidt Nielsen et d’autres candidats principaux ont souligné que les valeurs de base étaient partagées au sein du «bloc rouge»(5), que les désaccords «étaient familiers» et qu’il serait possible de s’asseoir ensemble à la table de négociation pour travailler. De cette manière, nous n’avons pas contribué à préparer l’électorat qui nous écoutait au fait que les sociaux-démocrates et les populaires socialistes ne veulent pas de confrontation avec les capitalistes, ni avec les riches, ni avec «le système», qu’ils ne veulent pas les «harceler», et qu’en conséquence ils vont attaquer les travailleurs. Nous nous sommes seulement distanciés de manière très diplomatique de leur proposition que le temps de travail soit accru de 12 minutes par jour:«c’est n’est pas notre tasse de thé».
En multipliant les discours sur la manière dont l’Alliance rouge-verte emploiera son influence au Parlement et la faiblesse sinon l’absence des références à l’action extraparlementaire et d’appels à la préparer, l’Enhedslisten a pris le risque de voir les électeurs sociaux-démocrates et populaires socialistes complètement déroutés lorsque, après les élections, elle va expliquer que la pression externe est nécessaire pour que le nouveau gouvernement conduise une politique sensée.
Lorsque, au cours de l’année qui a déjà commencé, le gouvernement SD-SF-RV présentera sa politique économique de crise, qui ne résoudra rien mais qui contiendra des attaques contre la classe ouvrière et contre les régimes de prévoyance ainsi que des concessions au capital, l’Alliance rouge-verte sera forcée d’intervenir et de présenter des propositions de réformes anticapitalistes. Ce n’est pas nouveau, nous avons préparé notre environnement à cela au cours des élections, mais de manière insuffisante, ce qui fait que même parmi nos électeurs bon nombre risque d’être surpris et de se retourner contre nous.
De plus, nous avons misé sur la popularité de Johanne Schmidt Nielsen, en l’envoyant par exemple à tous les débats importants. Des électeurs que nous avons ainsi gagnés grâce à la personnalité de Johanne risquent de se détourner de nous lorsque l’Alliance rouge-verte sera forcée de compléter ses revendications et suggestions agitatoires par des revendications plus radicales et de mettre l’accent sur le fait que nous ne sommes pas un groupe de soutien critique au nouveau gouvernement mais bien une alternative politique au réformisme.
Finalement, en se concentrant uniquement sur le terrain commun qu’elle partage avec les deux autres partis ouvriers (SD et SF), sur son influence parlementaire et l’obtention d’un maximum de votes, l’Alliance rouge-verte s’est mise dans une situation qui la met en danger de connaître une baisse spectaculaire dans les sondages, un grand nombre d’adhérents déçus qui la quitteront, une pression en particulier des nouveaux membres qui aspireront à la transformer en un parti tel que l’était le Parti populaire socialiste, il y a cinq ou dix ans.
7. Des erreurs qui n’étaient pas obligatoires
Il est toujours difficile pour un parti socialiste de trouver un équilibre entre l’agitation — qui peut avoir un écho et un soutien ici et maintenant — et la propagande qui avance des explications plus radicales et fait du parti une alternative face aux autres partis. Il est très facile de tomber dans le fossé sectaire, de dire des choses qui sont très correctes et qui dressent une véritable perspective, mais que personne ne comprend, qui ne convainc personne et qui donc ne permet pas de gagner la crédibilité qu’offre une forte représentation parlementaire.
Mais la campagne unilatérale de l’Alliance rouge-verte aurait pu être évitée, sans tomber dans le sectarisme:
►Si certaines de nos revendications anticapitalistes adoptées lors de la dernière Conférence nationale du parti avaient été incluses dans les tracts de la campagne;
►Si nos représentants dans les débats publics avaient de temps à autre présenté ces revendications, lors des discussions sur la crise ou lorsqu’ils faisaient face à des questions comme «l’emploi et l’immigration», «les banques présentent la facture à leurs clients» ou «la compétitivité», au lieu de se limiter à des généralités, tout en disant que nous ne comptons pas que nos propositions seront adoptées par le Parlement, même si nous avons 15 sièges, mais que nous croyons que cela est nécessaire.
►Si nos représentants avaient mentionné plus fréquemment qu’il faudra une pression en dehors du Parlement pour persuader les sociaux-démocrates et les populaires socialistes de soutenir certaines de ces demandes que nous aurions présentées au cours de la campagne électorale.
►Si nos représentants, confrontés à des questions sur les buts et la stratégie du parti, avaient plus souvent expliqué ce que sont nos buts et que nous n’exigeons pas du futur gouvernement SD-SF qu’il réalise tous nos objectifs parce que le changement/bouleversement que nous croyons nécessaire n’est possible qu’à la condition d’en convaincre la grande majorité.
►Si au moins nos représentants n’avaient pas nié que nous voulons nationaliser les banques et les grandes entreprises ou si nos représentants ne tombaient pas d’accord avec tous les autres présents dans le studio sur l’idée qu’on ne peut pas se passer de l’entreprise privée.
8. Développer le militantisme et la pression sur le nouveau gouvernement
L’Alliance rouge-verte dispose aujourd’hui d’un bon point de départ (les députés, les adhérents, les finances, l’enthousiasme) mais, d’un autre côté, nous faisons face à une situation politique difficile et nous ne nous sommes pas suffisamment préparés à y faire face.
Cela signifie que la période à venir pourrait être très difficile pour l’Alliance rouge-verte. La tâche de chacun au sein de l’Alliance, c’est donc de développer les activités qui renforcent le plus efficacement la classe ouvrière, la lutte de classe et l’Enhedslisten. Dans l’immédiat cela signifie:
a)Nous devons nous appuyer sur l’enthousiasme suscité par les résultats électoraux pour renforcer le militantisme et l’organisation de l’Alliance rouge-verte. Nous devons reprendre les rues à l’exemple de ce qu’a fait récemment la section d’Amager(6).
Il faut des tracts explicitant les exigences de l’Alliance lors de la négociation du budget de l’État. Il faut renforcer nos réseaux syndicaux, nos autres structures d’intervention, nos sections et le SUF (l’organisation de jeunesse en solidarité politique avec l’Alliance).
b)Nous devons construire développer toutes les mobilisations de masse qui peuvent exercer une pression sur les Partis social-démocrate et populaire socialiste. Pour les membres de l’Alliance et de SUF, cela est possible au travers de leurs syndicats, de leurs organisations étudiantes et lycéennes, de leurs organisations de locataires et d’autres. Cela peut passer aussi par des réunions de débats et des déclarations communes avec les sections locales des deux partis. Une telle pression peut passer par des revendications adressées à la fois au gouvernement et au Parlement, à travers les luttes syndicales et à travers les mobilisations contre les réductions des budgets municipaux, qui, directement et indirectement, feront pression sur le gouvernement pour qu’il finance les municipalités.
c)Nous devons exploiter notre force au Parlement pour exercer une pression sur la Social-démocratie et le Parti populaire socialiste, afin d’obtenir un maximum de résultats concrets et de montrer que ce sont eux et les Radicaux de gauche qui portent la responsabilité pour le peu de résultats obtenus et des difficultés du nouveau gouvernement.
d)Nous devons nous appuyer à la fois sur notre nouvelle force parlementaire et sur nos forces militantes pour rendre entièrement visible notre alternative politique face à la fois à l’opposition bourgeoise et au nouveau gouvernement. Ce doit être une tâche prioritaire que de convaincre ceux qui ont voté pour l’Alliance rouge-verte que notre politique est juste. In en va de même en ce qui concerne la majorité de nos nouveaux adhérents.
ea)Nous devons développer nos discussions politiques et toutes nos activités de formation au sein de l’Alliance rouge-verte et de SUF à travers des interventions dans les meetings publics et dans les réunions de sections, des réunions avec les nouveaux adhérents, des cercles d’études, des séminaires et des publications.
f)La formation et les débats doivent concerner l’ensemble du programme de l’Alliance, non dans le but de la changer, mais pour former les membres et les candidats aux élections, de sorte qu’ils se sentent réellement propriétaires de ce programme et soient capables de le défendre devant une large audience. Cela permettra aussi de mesurer si certains candidats n’ont pas défendu le programme du parti ou l’ont critiqué, car ils ont de vraies divergences stratégiques, de petits différends tactiques ou bien parce qu’ils manquent de formation et de discussion en ce qui concerne la transformation de la société. Cela pourrait conduire à la révision ou la mise à jour de certains aspects de notre programme. Un tel débat programmatique renforcera l’Alliance rouge-verte. L’alternative à cela c’est de réduire graduellement l’importance du programme.
9. Tactique et cibles
Lors de la soirée électorale, l’Alliance rouge-verte a tourné le projecteur sur les Radicaux. Nous devons continuer à en faire notre cible. Cela veut dire que nous soulignons leur rôle de cheval de Troie de l’opposition bourgeoise et d’excuse pour le gouvernement. En indiquant quelle politique serait possible avec une majorité des partis ouvriers au Parlement, nous critiquons aussi indirectement le fait que la Social-démocratie et le Parti populaire socialiste refusent de prendre leurs distances avec la politique bourgeoise et néolibérale et nous soulevons déjà la perspective pour des élections futures: une majorité ouvrière qui réaliserait une politique au service des travailleurs.
Le fondement de notre attitude doit être: si nous soutenons la nomination de Helle Thornings Schmidt(7) au poste de chef du gouvernement, nous ne sommes pas responsables de son programme. En d’autres termes, nous allons exercer de manière continuelle une pression de gauche sur le nouveau gouvernement.
La question de l’allocation de préretraite constitue un problème particulier (nous l’avons traitée dans notre bulletin la semaine dernière). Les conditions de la lutte sur ce terrain changent continuellement. Tout d’abord, il devrait être évident que nous ne participerons ni n’approuverons quelque attaque que ce soit contre cette allocation. Deuxièmement, nous devons exploiter toutes les possibilités de pression sur les Sociaux-démocrates, le Parti populaire socialiste, les Radicaux de gauche et même sur le Parti du peuple danois et cela jusqu’au bout. Troisièmement, nous devons lancer un appel fort et clair aux partis social-démocrate et populaire socialiste pour qu’ils choisissent de perdre un vote au Parlement plutôt que de légitimer cette «réforme» des retraites. Une participation de SD-SF à cette réforme serait une gifle à tous ceux qui attendaient une meilleure politique de ce gouvernement. Mais cela impliquait évidemment que SD et SF aient gardé les Radicaux de gauche en dehors du gouvernement.
Par la suite nous devons mettre au défi SD-SF et RV en formulant des propositions et des revendications qui bénéficient du plus fort soutien dans les bases de ces partis, celles dont le refus leur coûterait le plus. Il s’agit entre autres de l’allocation de chômage, de la création des emplois (verts) au travers des investissements publics, des stages d’apprentissage, des services sociaux municipaux, de la santé, de la politique d’immigration et de la politique judiciaire.
Enfin, nous devons saisir toutes les occasions possibles pour montrer que nous avons des propositions législatives et autres qui peuvent réellement renforcer la classe ouvrière et les bénéficiaires des services publics, car elles remettent en cause le pouvoir du capital et s’en prennent à ses profits.
Ce travail doit toujours consister en une combinaison des initiatives dans le Parlement et en dehors. Il est important que le débat au sein de l’Alliance rouge-verte au cours des prochains mois se concentre sur la manière de réaliser le plus efficacement la pression sur le nouveau gouvernement et sur les demandes concrètes à mettre en avant.
Copenhague, le 1er octobre 2011
Notes
2. Det Radikale Venstre (RV) est un parti néolibéral en économie, mais avec une vision humanitaire en ce qui concerne les immigrés et les réfugiés, opposé aux pressions de l’extrême droite populiste dans ce domaine.
3. Fagligt Faelles Forbund, appelé communément 3F, est un syndicat des travailleurs semi-qualifiés, un des plus importants au Danemark avec 320 000 membres en 2010, formé en 2004 par la fusion de trois syndicats (dont l’Union nationale des femmes ouvrières). Il fait partie de la Confédération des syndicats (LO).
4. Socialistisk UngdomsFront (SUF, Front de la jeunesse socialiste) est une organisation de jeunesse indépendante de l’Alliance rouge-verte du point de vue organisationnel, mais en solidarité avec elle par son programme et son militantisme.
5. C’est ainsi que la presse a appelé l’ensemble des partis de gauche — y compris les Radicaux de gauche — pouvant constituer une majorité à l’issue des élections pour remplacer le gouvernement de droite sortant.
6. Amager est une île dans le détroit du Sund, incorporée à la ville de Copenhague en 1902.
7. Helle Thornings Schmidt, née le 14 décembre 1966 à Rødovre, diplômée en sciences politiques et études européennes, préside le Parti social-démocrate depuis 2005 et a été investie ministre d’État (chef du gouvernement) le 2 octobre 2011.