Le juge Brett Kavanaugh, menteur et prédateur sexuel, aura donc été nommé à la Cour suprême des États-Unis malgré les accusations d’agression sexuelle portées contre lui. Il avait le soutien sans faille de Trump, qui voulait que ce catholique réactionnaire rejoigne la plus haute juridiction du pays, et faisait de sa défense un argument contre les Démocrates alors qu’approchent les élections de mi-mandat du 6 novembre.
« Ils voulaient détruire un homme. Évidemment, ils voulaient me détruire moi aussi », a cyniquement dramatisé Trump peu avant l’investiture officielle de Kavanaugh. La veille, au cours de la cérémonie de prestation de serment du juge, il avait déclaré : « Ce que les Démocrates ont fait à Brett et à sa famille est une honte nationale. » Et d’adresser au nom de la nation « des excuses à Brett et à l’ensemble de la famille Kavanaugh pour la douleur et la souffrance terribles qu’ils ont été contraints d’endurer ». Avec la même arrogance cynique, il proclamait haut et fort que les accusations d’agression sexuelle portées par Christine Blasey Ford n’étaient qu’un « bobard mis en place par les Démocrates ». Quel mépris pour la victime, pour les femmes ! Et de poursuivre, faisant du sexisme un argument électoral : « Dans quatre semaines, vous aurez l’occasion de rendre votre verdict sur la conduite scandaleuse des Démocrates. […] trop dangereux pour gouverner ».
Une profonde vague de contestation
Au moment des auditions devant la commission des affaires judiciaires, Trump avait osé reprocher publiquement à Christine Blasey Ford de ne pas avoir porté plainte au moment des faits. Dans l’après-midi même, le hashtag #WhyIDidntReport (« Pourquoi je n’ai pas porté plainte »), réminiscence de #MeToo, faisait la une sur les réseaux sociaux. Des dizaines de milliers de messages s’accumulaient, alimentés par des multiples témoignages de femmes qui confiaient, comme Christine Blasey Ford, être longtemps restées silencieuses sur le harcèlement ou sur les agressions sexuelles qu’elles avaient subis. Le témoignage de Christine Blasey Ford devant la commission a eu un énorme écho dans tout le pays : « Ces auditions ont fasciné les Américains comme peu d’événements de l’histoire récente », selon le -Washington Post.
Mais Trump a trouvé son homme, à son image, pour la Cour suprême. Cette dernière dispose d’importants pouvoirs de jurisprudence qui en font, à côté de la présidence et du Congrès, une des principales institutions du pays. Ses neuf membres sont nommés à vie, et chaque nomination comporte donc un enjeu politique. Bien qu’ayant toujours été fidèle au pouvoir et joué un rôle conservateur, elle a pu dans certains cas agir dans un sens progressiste. En particulier, elle donna raison, en 1973, aux luttes des femmes, par un arrêt qui fit de l’avortement un droit constitutionnel. Aujourd’hui, ce droit est remis en cause et menacé après l’arrivée de Trump à la présidence.
C’était un des enjeux de la nomination de Kavanaugh, un catholique dévot dont l’opposition à l’avortement est notoire. D’autres questions démocratiques sont aussi menacées, comme les mesures adoptées dans les années 1970 en faveur des Noirs, ou encore le droit constitutionnel des homosexuelEs à se marier dans l’ensemble des États-Unis, en vigueur depuis 2015.
Ces droits ont été entérinés par la Cour suprême, qui n’en est pas pour autant la garantie. Ils ont d’abord et avant tout été conquis par les mobilisations et les luttes. Kavanaugh, la majorité réactionnaire de la Cour suprême et leur boss Trump n’ont pas fini d’affronter la vague de révolte des femmes, celle des communautés comme des travailleurEs, qui monte aux USA. Une révolte, et c’est une bonne nouvelle, de plus en plus indépendante des Démocrates.
Yvan Lemaitre