Lou Jatteau, ancien élève du lycée Jules Ferry (Paris 9e), est accusé d'avoir coincé le pouce de la proviseure au cours d'un blocage en 2008, ce qu'il nie (et que la plaignante n'a jamais pu prouver). Après avoir été exclu abusivement du lycée le 16 mai 2008, il comparaissait le 21 octobre devant le tribunal, risquant jusque trois ans de prison ! Une affaire absurde qui met en danger la liberté de protestation. Le jugement doit être rendu le 18 novembre.
Le 15 avril 2008, tu as participé au blocage du lycée Jules Ferry. Que s'est-il passé ?
Replaçons tout ça dans son contexte : depuis deux, trois semaines à Jules Ferry, comme dans des centaines de lycées de France, on se mobilise contre les mesures du ministre de l'Éducation de l'époque, Xavier Darcos; visant à supprimer notamment des dizaines de milliers de suppressions de postes. On organise des assemblées générales pour discuter et voir comment on peut lutter efficacement contre ces attaques. Et on distribue des tracts pour informer et inviter les élèves à faire grève pour, avec d'autres lycées, descendre dans les rues de Paris pour manifester.Contrairement à d'autres bahuts déjà bloqués, parfois depuis des jours voire des semaines, nous n'avions pas véritablement bloqué le lycée depuis le début du mouvement. Mais à la veille du 15 avril, l'assemblée générale organisée à Jules Ferry avait voté majoritairement (j'avais voté...contre) pour le blocage le matin, pour ensuite partir en manif l'après-midi. Le mardi 15 avril, nous avons donc bloqué à plusieurs dizaines l'entrée principale du lycée (on laissait seulement entrer les collégiens et élèves de prépa), pour ensuite nous retrouver à plus d'une centaine devant le bahut, armée de slogans, de tracts et de banderoles. Tout cela pour que nous n'ayons pas cours, donc pas sanctionnés par les absences, et pouvoir partir ensemble en manif l'après-midi. C'était donc un mouvement franchement légitime, et collectif. Problème, quelques heures après le début du blocage, l'administration décide d'ouvrir une porte sur le côté du lycée pour faire rentrer tous élèves, et donc, casser le blocage. Nous avons donc décidé d'aller bloquer cette porte à plus d'une trentaine, et c'est là que la proviseure me met en cause. Elle explique que j'aurais, à un moment, décidé seul de fermer la porte volontairement... sur son pouce. Ce qui est faux, puisque non seulement moi-même je n'avais pas poussé cette porte, mais personne ne savait qu'elle se trouvait derrière celle-ci, et la proviseure ne pouvait y voir personne à travers tellement les petites vitres étaient sales.On voit bien que cela ne tient pas debout : je serais sorti du groupe par enchantement pour, au milieu de la foule, «fermer victorieusement» la porte sur elle !
C'était un acte collectif, loin d'être volontaire, dont les faits restent à déterminer, et tout ne reposait pas sur un «meneur» : «Je ne voyais que lui» a-t-elle dit au procès, ou plutôt «je ne voulais voir que lui...»
Comment expliques-tu l'acharnement de la proviseure ?
Franchement, il est difficile à expliquer. Elle m'avait déjà menacé quelques mois auparavant, lors du mouvement contre la LRU, on avait distribué un matin des tracts devant le lycée. Juste avant de les donner, elle est venue me voir moi et mes camarades, en me menaçant de ne pas me réinscrire l'année prochaine, que je risquais le conseil de discipline, si je continuais mon «action politique». Et avec le blocage et les manifs auxquelles on a participé, je pense qu'elle en a eu marre que ça bouge dans son lycée. Elle avait une bonne réputation, Jules Ferry avait de meilleurs résultats et se mobilisait peu. Mais avec le mouvement contre Darcos, on avait réussi à être des centaines de JF dans les rues les jours de manif. Elle a donc voulu couper une des «têtes du mouvement», pour casser la mobilisation. C'est donc politique mais aussi je pense personnel. Rien que le fait d'avoir relancé l'affaire, alors qu'elle avait été classée sans suite et que j'avais déjà été exclu définitivement du lycée, montre qu'elle avait des appuis bien placés et qu'on a affaire à une double peine se transformant en double injustice. Il faut aussi rappeler qu'elle était responsable pour Paris du syndicat majoritaire des proviseurs (SNPDEN) et avait participé à des réunions avec le ministère. Bref, elle était reconnue et avait une grande autorité.
Comment peut-on te soutenir en attendant le délibéré du 18 novembre ?
La procureur a requis 60 heures de travaux d'intérêt général, et l'avocat de la proviseure un euro symbolique de dommages et intérêts et mille euros de frais de justice. Il faut espérer pouvoir faire confiance en la justice, que toute cette affaire se termine en relaxe. Pour me soutenir, il y a déjà un groupe de soutien sur Facebook qui atteint presque 900 membres, il faut donc le rejoindre et le faire tourner au plus de monde possible pour dépasser les 1000 membres. Mais aussi, essayer de venir au rassemblement qui aura lieu devant le Palais de Justice (16e chambre correctionnelle) le 18 novembre à 8 heures, pour, s'il y a condamnation, rejoindre le comité de soutien que nous formerons, avec le SNES, la FCPE, les syndicats lycéens, et tous ceux qui me soutiennent.