Le 24 janvier, par deux voix contre une, la Cour de Justice d’Istanbul (Turquie) a condamné la sociologue féministe Pinar Selek à la prison à vie avec 36 ans de période de sûreté. Elle a par ailleurs délivré un mandat d'arrêt à son encontre car Pinar poursuit ses recherches désormais à Strasbourg.Cette condamnation scandaleuse vient de loin : Pinar Selek a été arrêtée une première fois en 1998. La police turque avait exigé alors qu’elle donne les noms des dizaines de militants kurdes qu’elle a interrogés dans le cadre de sa recherche. Elle avait refusé, a alors été accusée d’être membre du PKK puis plus tard d’être responsable d’un attentat (dont l’enquête révélera qu’il s’agit d’une fuite de gaz). Durant quinze ans, Pinar Selek a été persécutée sans interruption par la justice. Elle fut emprisonnée deux ans et demi puis libérée car enfin innocentée.Acharnement d’ÉtatMais le pouvoir s’acharne à faire appel. Le 22 novembre dernier, la 12e cour criminelle d'Istanbul a annulé son propre acquittement pour vice de forme. La même peine a alors été requise : la perpétuité pour un attentat qui n'a jamais existé... Pinar est le symbole de ce que l’État turc fait aux militants progressistes : diffamés, pourchassés, emprisonnés, sans possibilité réelle de se défendre.Un mouvement de solidarité s’est développé. Une délégation de militants strasbourgeois représentant entre autres des forces politiques (EÉLV, GU, NPA, PS, …) et des associations (ASTU, Attac, Cimade, La Lune, …) s’est rendue à Istanbul pour un rassemblement le 24 janvier à l’initiative du Collectif de soutien turc, avec plusieurs délégations d’autres pays. Au même moment, 200 personnes se retrouvaient en solidarité à l’université de Strasbourg. Depuis, les soutiens d’enseignants-chercheurs affluent. Le collectif strasbourgeois poursuit la mobilisation afin que la justice soit enfin respectée et que Pinar puisse, comme elle en a le souhait, retourner vivre libre et innocente à Istanbul.Isabelle Muller