Publié le Lundi 1 juin 2009 à 13h49.

Pas d'Europe sociale sans changer d'Europe !

Instrument de la mondialisation libérale, l'Europe va à rebours du progrès social. Seule une contre-offensive des salariés sera à même d'inverser la logique. 

Dans la langue de bois des autorités européennes, «l'Europe sociale» est le terme officiel qui désigne l'ensemble des politiques de l'Union européenne (UE) ayant trait à l'emploi, aux conditions de travail et à la protection sociale. Son domaine n'a cessé de s'élargir depuis l'Acte unique, en 1986. C'est à cette époque que la construction européenne, jusque-là essentiellement union douanière et commerciale, est devenue un instrument de l'offensive de la mondialisation capitaliste et libérale, de l'offensive, autrement dit, des multinationales et de leurs Etats, qui ont repris aux travailleurs ou sont en passe de le faire tous les « acquis sociaux » gagnés par leurs luttes.

Tout n'est que cynisme dans le vocabulaire employé pour justifier cette politique dont l'objectif est de mettre en concurrence les travailleurs de tous les pays afin d'abaisser le coût du travail au minimum. A l'image de la Charte des droits fondamentaux, censée protéger les salariés, un des principaux arguments des partisans du « oui » au traité constitutionnel européen (TCE), qui a été incluse dans le Traité de Lisbonne. « Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union, dit par exemple celle-ci, a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout Etat membre. » Le « droit au travail » est devenu la « liberté de travailler » avec, comme complément implicite mais indissociable, la liberté d'être… au chômage.

Une véritable Europe sociale ne pourra voir le jour que par une contre-offensive des travailleuses et des travailleurs afin d'annuler toutes les lois et mesures de régression sociale imposées par le patronat et ses gouvernements dans tous les pays d'Europe et d'imposer des mesures sociales, rendues d'autant plus urgentes par la crise, qui répondent aux besoins des populations. 

Interdiction des licenciements

L'organisation patronale Business Europe prévoit que 4,5 millions de salariés perdront cette année leur emploi dans l'Union européenne. Partout en Europe, les trusts font payer la crise dont ils sont responsables aux travailleurs par les licenciements et les fermetures d'usines, aggravant la catastrophe sociale déjà existante. La première urgence est l'interdiction des licenciements dans les entreprises privées. Les petites et moyennes entreprises ne pourraient pas y survivre, nous dit-on ? Mais combien d'entre elles ne sont que des filiales ou des entreprises sous-traitantes de multinationales qui ont fait de plantureux bénéfices ces dernières années ? Il faut faire payer les donneurs d'ordre et établir publiquement la « traçabilité » de leurs réseaux d'entreprises, prendre sur les profits accumulés et les dividendes encore versés, imposer que les grosses entreprises cotisent à une caisse, comme l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) avait pu le faire pour combattre les grèves, mais cette fois pour sauvegarder les emplois dans les toutes petites entreprises. 

Répartition du travail entre tous

Exemple parmi d'autres, Renault, qui a empoché 3 milliards d'euros d'aides de l'Etat, ferme des usines et licencie d'un côté, tandis que la multinationale impose des heures supplémentaires d'un autre. Pour éradiquer le chômage, il faut répartir le travail entre toutes et tous, sans diminution de salaire, diminuer le temps de travail jusqu'à l'embauche de tous les travailleurs aujourd'hui privés d'emplois ou condamnés à des emplois précaires sous-payés. C'est la course à la rentabilité et à la baisse du coût du travail, l'exacerbation de la concurrence qui ont conduit à la crise, augmentant d'un côté les profits dont une énorme partie, accaparée sous forme de dividendes, a été réinjectée dans les circuits de la spéculation, réduisant de l'autre côté le pouvoir d'achat des populations par le chômage et la précarité. Il faut mettre un coup d'arrêt à cette logique destructrice et en inverser la tendance : travailler pour vivre et non vivre pour être exploité toujours davantage. 

Embauche massive dans les services publics

En France, Sarkozy et son gouvernement prévoient de supprimer 35000 postes de fonctionnaires en 2010. C'est dans tous les pays d'Europe que les Etats diminuent les dépenses utiles à la population pour augmenter les subventions à fonds perdus versées aux capitalistes ou les budgets consacrés aux armées, aux équipements militaires, aux forces de répression. L'Etat nous ressasse qu'il faut diminuer les dépenses publiques en réduisant les effectifs de la fonction publique dans le même temps qu'il met en avant son impuissance contre le chômage. Mais 35000 postes de fonctionnaires, c'est moins de 1 milliard d'euros par an, alors que le coût du seul paquet fiscal du gouvernement Sarkozy, destiné essentiellement à alléger les impôts des plus riches, se monte à 15 milliards d'euros par an. Sans parler, pour ne prendre qu'un seul autre exemple, de la réduction de l'impôt sur les sociétés de 50% jusqu'en 1985 à 33% aujourd'hui. Alors oui, ce sont des centaines de milliers d'embauches par l'Etat qu'il faut imposer. 

Un salaire pour vivre, pas pour survivre

Avant la crise, 78 millions de personnes dans l'Union européenne, 16% de sa population, étaient officiellement considérées comme pauvres, avec un revenu équivalent à 650 euros par mois environ. En France, en 2006, elles étaient près de 8 millions, soit 1 million de plus qu'en 2004. La seule explication à cette diminution du niveau de vie réside dans l'accaparement des richesses par une minorité outrageusement privilégiée. Dans les 25 dernières années, la part des salaires dans la création des richesses a reculé de 10% au bénéfice des revenus du capital. Mais cela n'empêche pas dirigeants patronaux et gouvernementaux d'expliquer qu'il ne saurait être question d'augmenter les salaires, les minima sociaux ou les retraites. L'augmentation de 300 euros net par mois pour tous les salaires, ce n'est qu'un simple rattrapage. A l'argument de la faisabilité d'un point de vue capitaliste, il faut opposer le droit de chacun à vivre. Et non à survivre, comme c'est le cas avec l'aumône des minima sociaux ou de salaires misérables. Le minimum pour cela aujourd'hui, c'est 1500 euros net par mois, en équivalent de pouvoir d'achat partout en Europe. Et avec ou sans travail, tant il est vrai que ce ne sont pas les chômeurs qui sont responsables de leur situation, comme le gouvernement voudrait le faire croire en multipliant les sanctions à leur égard, mais bien les licencieurs. 

Ne pas perdre sa vie à la gagner

« Travailler plus » pour gagner moins, telle est la devise des Sarkozy, Berlusconi, Merkel et bien d'autres. Dans l'Union européenne, la durée hebdomadaire de travail est de 48 heures et encore, on ne compte pas les dérogations qui permettent au patronat dans plusieurs pays de faire travailler bien au-delà, 60 heures et plus par semaine. Bien vivre exige au contraire de diminuer le temps de travail, en deçà même des 35 heures que le patronat français veut remettre en cause, vers les 30 heures, et cela sans flexibilité ni annualisation. Quant à l'âge de la retraite, il ne cesse d'être repoussé. Au sommet européen de Barcelone, en 2002, les gouvernements de l'Union européenne - en France Jospin et Chirac - s'étaient accordés pour le retarder de 5 ans d'ici à 2010. Ils y parviennent malgré les résistances sociales. Mais c'est une aberration d'autant plus scandaleuse que le taux de chômage chez les jeunes ne cesse de croître. Retraite à 60 ans au plus tard, après 37,5 annuités maximum, avec 75% du meilleur salaire et un Smic minimum, telle est notre revendication. 

Droit au logement, à la santé, à l'éducation

Hôpitaux et maternités fermés, bureaux de poste supprimés, transports collectifs dégradés, nombre d'enseignants et de travailleurs sociaux réduit… Leur politique, c'est tout faire pour que les services publics se dégradent, les mettre en concurrence avec le privé, avant d'en privatiser les parties les plus rentables. Les premières victimes de cette politique de destruction des services publics, ce sont les habitants des quartiers pauvres dans les villes et ceux des campagnes laissées à l'abandon et, en premier lieu, les personnes âgées, les femmes et les jeunes. Mais Sarkozy et son gouvernement font mieux encore. Dans les banlieues pauvres des grandes villes, ils veulent transformer les victimes de leur politique en coupables, en faisant des jeunes rendus seuls responsables de la violence des boucs émissaires, des cibles de leur politique sécuritaire et répressive. Le droit au logement, à la santé, à l'éducation passe par l'arrêt du sabotage des services publics et leur renforcement, sous le contrôle de la population. Et il faut créer en outre des services publics de la petite enfance et du quatrième âge. 

Un service bancaire unifié et public

Combien d'argent les banques et les sociétés de finance ont-elles perdu dans des spéculations hasardeuses ? Le FMI les chiffrait récemment à plus de 4050 milliards de dollars, dont 1193 milliards pour les banques européennes. Les mêmes aujourd'hui pleurent misère pour bénéficier des aides des Etats et refusent néanmoins de desserrer le crédit, préoccupées avant tout de refaire leurs marges. Pour faire servir l'épargne et les capitaux à la production et la distribution de richesses socialement utiles et soutenables d'un point de vue écologique, il faut exproprier les gros actionnaires des banques et unifier celles-ci en un seul organisme financier public sous le contrôle des populations. A ces conditions, une monnaie unique européenne comme l'euro et une banque centrale européenne pourraient servir à cette planification démocratique indispensable pour mettre l'économie au service du bien-être des peuples. 

Vive l'Europe des travailleurs et des peuples

Riposter à la coalition européenne des trusts et de leurs fondés de pouvoir gouvernementaux exige le regroupement démocratique des travailleurs à la même échelle. Pour imposer un plan commun de mesures d'urgence sociale, pour soustraire l'économie à la mainmise d'une poignée d'actionnaires, pour mettre les grandes entreprises privées et les Etats sous le contrôle des populations. C'est dans ce sens, pour avancer dans la voie de la coordination des luttes à l'échelle européenne, dont nous n'avons vu encore que de faibles balbutiements, que nous menons aussi campagne, avec d'autres organisations anticapitalistes en Europe. Car il s'agit dès aujourd'hui de préparer l'avenir, pour une autre Europe, qui rompe radicalement avec l'Europe des trusts et de la finance. Les richesses et les moyens de les produire existent. Le chômage, la précarité, la misère et le cortège de souffrances et de violences sociales qui en résultent ne sont que la conséquence d'une organisation sociale injuste, un système d'exploitation qui se perpétue sur la base de la propriété privée capitaliste, dont la crise met au grand jour l'absurdité. L'avenir appartient au socialisme, à l'appropriation sociale de tous les grands moyens de production, dont le fonctionnement est d'ores et déjà basé sur la coopération de millions de femmes et d'hommes à l'échelle internationale.