Le second tour des élections régionales a confirmé les tendances qui s’étaient exprimées lors du premier : abstention massive, déroute du parti présidentiel, Rassemblement national moins haut que prévu mais toujours menaçant, succès de la droite et de quelques sortants de « gauche ». Un scrutin qui ne va pas changer fondamentalement la donne politique et sociale, mais qui ne doit pas non plus être considéré comme un « non-événement ».
Près de 66 % des inscritEs se sont abstenus. Comme au premier tour, c’est donc l’abstention qui a été largement majoritaire dimanche dernier. Les postures triomphalistes de certains des « vainqueurs » n’en étaient que plus pathétiques, à l’instar des échanges surréalistes sur les plateaux TV une fois les résultats annoncés, avec notamment des éditorialistes et des représentants de la Macronie rivalisant d’ingéniosité dans leurs propositions pour faire baisser l’abstention : vote obligatoire, vote électronique, « simplification administrative »… Comme si la question de l’abstention n’était pas avant tout, quand bien même les abstentionnistes auraient des motivations diverses, liée à un système politique et institutionnel à bout de souffle et à une crise majeure de la participation et de la représentation politiques.
Un RN toujours menaçant, ses idées de plus en plus présentes
On retiendra aussi de ce scrutin que si les scores du Rassemblement national sont moins élevés qu’annoncé par les sondages, et que le RN ne prend le contrôle d’aucune région, la menace de l’extrême droite est bien là et qu’on aurait tort, comme l’ont fait trop hâtivement certains, de relativiser les potentiels scores de Marine Le Pen à la présidentielle. Déjà parce qu’une grande partie de l’électorat qui avait voté pour elle en 2017 s’est abstenu (83 % au premier tour). Ensuite parce que certains des vainqueurs de la droite dite « républicaine » ont repris à leur compte bien des éléments du vocabulaire et des idées du RN, de Laurent Wauquiez, obsédé de l’« insécurité », à Valérie Pécresse, chantre de la lutte contre la « communautarisme ».
On a en outre vu se développer, à l’occasion de ce second tour, des discours prônant la constitution d’un « front républicain » contre certaines listes de gauche au motif de la présence sur lesdites listes de membres de La France insoumise ou d’EÉLV. C’est ainsi que Manuel Valls et Jean-Paul Huchon (ex-président « socialiste » de la région Île-de-France) ont appelé à voter Pécresse pour « faire barrage » à la FI, confirmant les dérives d’une certaine « gauche » qui ne voit pas de problème à manifester avec les syndicats policiers et l’extrême droite mais n’hésite pas à participer à la meute des chasseurs d’« islamo-gauchistes ». La confusion la plus totale règne sur la gauche de l’échiquier politique, et l’attitude de la FI, qui a partout cherché à fusionner au second tour avec les listes du Parti socialiste, n’en est que plus problématique et génératrice de confusions et d’illusions.
La rupture anticapitaliste est plus que jamais nécessaire
Si l’on peut comprendre le réflexe qui peut encore exister, chez les électeurEs de gauche, y compris de la gauche radicale, de vouloir « faire barrage » à la droite et à l’extrême droite, les fusions de listes et la perspective d’exécutifs communs avec le PS et EÉLV est d’une tout autre nature. Comme si de tels exécutifs pouvaient être producteurs de politiques réellement en faveur des classes populaires, en rupture avec le néolibéralisme, s’attaquant au règne du profit et des grands groupes du CAC 40. A-t-on déjà oublié les cinq ans du quinquennat Hollande ? Et, moins loin de nous, les bilans des exécutifs régionaux aux mains du PS sont-ils si différents de ceux dirigés par la droite ?
Le fort taux d’abstention et la claque infligée à la Macronie montrent que le président des riches est à la tête d’un pouvoir minoritaire. Ce qui ne l’empêche pas de refuser tout changement de cap ou même toute remise en question, bien au contraire : les résultats obtenus par la droite, et notamment par les prétendants à la candidature présidentielle, semblent même encourager le gouvernement à donner un coup d’accélérateur à ses politiques antisociales, avec le retour de l’augmentation de l’âge du départ à la retraite, et des annonces promettant toujours plus d’austérité pour les classes populaires sans évidemment s’en prendre aux plus riches.
Face à ces projets de régression sociale, il est certain que la perspective d’une nouvelle « gauche plurielle » ne règlera rien. Il s’agit, déjà, d’appuyer l’idée selon laquelle nous ne devons pas attendre 2022 pour stopper Macron et ses politiques autoritaires et antisociales. L’année qui va venir de doit pas être celle de la mise entre parenthèses des luttes sociales au motif d’une « trêve électorale », bien au contraire. Il s’agit en outre de proposer des perspectives de rupture claire avec les politiques menées depuis plus de 40 ans, et de défendre un projet anticapitaliste, seul à même de répondre aux crises sociale, sanitaire, économique, écologique et démocratique, dont pourraient s’emparer, dans leurs mobilisations collectives, les millions qui ne veulent plus de ce système.