Publié le Mercredi 14 décembre 2022 à 10h56.

Ciotti : à droite jusqu’où ?

L’élection d’Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, à la présidence de LR avec 53,7 % des voix, traduit à la fois la volonté de répondre à la pression de l’extrême droite politique en se situant sur son terrain raciste et sécuritaire, et la volonté d’affirmation d’un espace politique étroit, entre Macron et Le Pen. De quoi Ciotti est-il le nom ?

Candidat malheureux à la primaire de droite il y a deux ans, Éric Ciotti a un peu lissé son discours dans le cadre de la campagne interne qui vient de l’opposer à Bruno Retailleau. Un petit recentrage cosmétique pour ne gêner personne aux entournures, mais qui ne doit pas nous faire oublier qu’il est en réalité le tenant d’une droite qui lorgne ouvertement vers les thématiques de l’extrême droite, jusqu’à en reprendre un certain nombre de marqueurs.

Droite extrême et extrême droite

Ainsi, les débats de la primaire de droite en 2021 avaient été l’occasion de déclarations tout à fait décomplexées : « préférence nationale » sur l’emploi et le logement, veille rengaine du FN-RN remise au goût du jour ; suppression de l’aide médicale d’État ; suppression des prestations sociales pour les étrangerEs avant six ans de présence en France ; suppression du droit à la scolarisation des enfants en situation irrégulière ; rétablissement de la double peine pour les étrangers condamnés ; retour des peines planchers ; suppression des allocations aux parents de mineurEs décrocheurs ou délinquants ; jusqu’à la proposition de création d’un « Guantanamo à la française »…

Symbole de cette conversion de la droite dite « républicaine » à l’extrême droite, Ciotti avait été jusqu’à présenter la théorie raciste du « grand remplacement » comme une réalité, affirmant qu’il voterait pour Zemmour plutôt que pour Macron en cas de duel au second tour de la présidentielle…

Vers une recomposition ?

Malgré ses efforts de plaire au plus grand nombre à droite, les positions du nouveau président de LR font tousser et produisent déjà leurs premiers effets. 41 ans après avoir adhéré au parti de droite (à l’époque le RPR), François Grosdidier, le maire de Metz, vient de quitter Les Républicains. Présidente des Républicains de Haute-Garonne, Laurence Arribagé vient aussi d’annoncer qu’elle quittait LR... pour rejoindre le parti politique fondé par Édouard Philippe, Horizons. Sophie Vaginay-Ricourt (maire de Barcelonnette), David Gehant (maire de Forcalquier) et Camille Galtier (maire de Manosque) viennent eux aussi de partir.

Pour Ciotti, ces premiers départs sont un « soubresaut ». Mais peut-être sont-ils les signes avant-coureurs d’une recomposition engageant un large spectre de la droite allant du macronisme à l’extrême droite. Ainsi Stéphane Séjourné, le secrétaire général de Renaissance, le parti de Macron, a en effet appelé la « droite républicaine » à se rapprocher du pouvoir actuel… À l’inverse, la dynamique de la campagne interne, avec moult ralliements à Ciotti venus des restes de la vieille garde chiraquienne ou sarkozyste contre Retailleau, montre une force politique tout à fait alignée sur le logiciel d’une « nouvelle droite » qui n’hésite pas afficher ses convergences avec Zemmour et le Rassemblement national.

Attention danger !

Bien difficile de dire quelle va être la suite du programme. L’arrivée de Ciotti à la tête de LR marque de façon sûre la mise sur orbite de la candidature à droite toute de Laurent Wauquiez à l’élection présidentielle de 2027, cela sans passage par la case primaire. Et oui, chez ces gens, « gouverner c’est prévoir »... mais prévoir de gouverner, c’est encore plus important !

En attendant, la « réforme » des retraites ou la projet de loi sur l’immigration devraient permettre à cette droite de peser de tout son poids sur un gouvernement Borne bien à la peine pour se trouver des alliés. De quoi dégager un espace inespéré à la ligne Ciotti pour exister ces prochains mois et distiller sa ligne réactionnaire. Dans ce cadre, le curseur pourrait alors se déplacer toujours plus à droite, sans que LR ne soit obligé de scier la branche sur laquelle le parti est assis en soutenant directement le pouvoir actuel.

Pour autant, selon le vieux précepte que l’on préfère toujours l’original à la copie, une telle dynamique pourrait profiter in fine à l’extrême droite parlementaire, aujourd’hui bien positionnée dans les institutions. En cristallisant l’orientation « à droite toute » tout en pensant résister à la pression de l’extrême droite, Ciotti pourrait bien être l’idiot utile de notre pire ennemi.