Dans son essai « le Prix de la démocratie » (Fayard, 2018), l’économiste Julia Cagé décrit avec finesse et clarté les limites du système de financement de la vie politique en France. Mais surtout, elle en tire une très stimulante proposition de réforme... qu’il faut aussi critiquer.
Nous avons vu la semaine dernière à quel point le financement des partis par les dons pesait lourd et révélait la nature inégalitaire du système, en particulier par l’effet anti-redistributif de l’aide publique indirecte (la déduction fiscale). Le phénomène est encore plus criant si l’on considère l’autre pilier du financement des partis : l’aide publique directe attribuée aux partis en fonction de leurs résultats aux législatives. Restons en 2016. Les dons et cotisations représentent 1,5 fois plus que l’aide directe (95 millions d’euros contre 63 millions d’euros), laquelle est d’ailleurs en régression constante depuis 25 ans.
Rente électorale
Mais c’est sans compter à quel point la répartition de l’aide publique directe est elle aussi inégalitaire. À l’image d’un système de casino, seuls les très gros y raflent la mise. Sur le papier, le ticket d’entrée n’est pas très élevé. Il faut dépasser 1 % dans au moins 50 circonscriptions réparties sur 30 départements. Mais en réalité, il faut se présenter dans des centaines de circonscriptions et y dépasser les 5 % pour que l’aide publique directe devienne importante et ne serve pas seulement à rembourser les copieux frais de campagne. De plus, cette aide court sur cinq ans, produisant une sorte de rente.
Par ailleurs, les élus peuvent reverser à leur parti une grande partie de leur très généreuse rémunération... tout en bénéficiant de la déduction fiscale. Ou comment gagner au tirage et au grattage. C’est un second type d’aide publique indirecte qui vient ainsi largement financer les plus grosses formations... de gauche (PS, PC, EÉLV). Un certain sens du parti... de notables. Mais à droite (LR, FN), on fait encore mieux : les élus sont des (auto)entrepreneurs qui gardent leur argent et ce sont les généreux donateurs qui font la richesse des partis dans une certaine pureté de classe.
« Bons pour l’égalité démocratique »
S’il évite les dérives affolantes du système étatsunien, s’il n’empêche pas la politique de rester au poste de commandement, le naufrage du PS en est un parfait exemple, tout l’édifice tend à reproduire un système où quelques partis d’État se partagent l’essentiel du gâteau de l’aide publique (in)directe. Face à cela, les propositions de Julia Cagé sont très intéressantes et lisibles.
D’abord, toute réduction fiscale est supprimée. Chacun assume l’entièreté de sa contribution individuelle et n’en fait rien porter à la collectivité. Ensuite, le plafond annuel des dons et cotisations passe de 7 500 euros à 200 euros. La création de toute pièce d’un parti ou d’une candidature par une accumulation primitive de gros dons devient impossible (Macron...). De même pour son sauvetage (Sarkothon...). Et en régime de croisière, le financement privé des partis devient ridicule, sauf pour des partis de masse ayant au moins 100 000 militantEs et sympathisantEs.
En contrepartie, est mis en place un généreux système de financement public simple et unique basé sur les « Bons pour l’égalité démocratique » (BED). Chaque année, le ou la contribuable pourra allouer son BED d’un montant de 7 euros au parti de son choix. Si au moins 500 000 d’entre eux se portent sur le même parti, ce dernier sera éligible et touchera donc un minimum de 3,5 millions d’euros. Si un parti est soutenu par moins de 500 000 contribuables, le bon de chacun sera remis dans un pot spécifique qui sera réparti selon l’ancien système, donc en fonction des résultats aux dernières législatives. De même pour le bon des contribuables qui ne soutiendraient aucun parti.
La fin au prochain épisode pour la nouvelle année ! Et en attendant, n’oubliez pas que la souscription s’arrête le 31 décembre à minuit ! Soutenez-nous maintenant !