Dans son essai « le Prix de la démocratie » (Fayard, 2018), l’économiste Julia Cagé décrit avec finesse et clarté les limites du système de financement de la vie politique en France. Mais surtout, elle en tire une très stimulante proposition de réforme... qu’il faut aussi critiquer. Penchons-nous ici sur le seul financement des partis et pas des élections.
En France, les partis politiques peuvent recevoir des dons et cotisations des seules personnes physiques. Le plafond cumulé est fixé à 7 500 euros par an, toutes formations confondues. Certes, le commun des mortels ne peut pas consacrer une telle somme à la politique. Mais si l’on considère que d’autres pays n’appliquent pas de plafonds et autorisent les dons d’entreprises (!), la limitation quantitative et qualitative à la française est plutôt sévère et bienvenue.
Niche fiscale
La perversité principale du système réside donc ailleurs, en l’occurrence dans le système de déduction fiscale. D’abord, environ la moitié des FrançaisES ne sont pas imposables sur le revenu. Cette niche fiscale fonctionne donc, en elle-même, comme une prime aux plus riches. Mais ensuite, et surtout, elle vient appauvrir un État qui, non content de dépenser (ou pas) l’argent public selon une politique inégalitaire, le ponctionne sur des bases elles-mêmes inégalitaires. En effet, avant même que les niches et la fraude fiscale ne plombent les finances publiques, la nature même des taxes et impôts pose problème.
C’est ainsi que les pauvres payent proportionnellement plus d’impôts que les riches (recettes publiques), mais en profitent moins (dépenses publiques). Rien de nouveau ici dira-t-on. La niche fiscale réservée aux partis n’est qu’un exemple microscopique parmi tant d’autres. C’est vrai... Sauf que malgré leur crise profonde, les partis ne sont pas des hochets. Ils constituent encore un pouvoir notoire. Leur forme de financement est donc révélatrice dans sa nature et puissante dans ses effets.
Une petite minorité de contribuables aisés
Alors poursuivons. Les chiffres de Julia Cagé sont parlants. Prenons l’exemple de l’année 2016. D’abord, les partis politiques ont touché 80 millions d’euros de dons contre 15 millions d’euros de cotisations. C’est dire que le financement des partis est avant tout une affaire de sympathisantEs et pas de militantEs. Ensuite, ces 80 millions d’euros de dons ont été versés par seulement 290 000 personnes. Nous sommes donc très loin d’un financement de masse. Puis l’État a remboursé 48 millions d’euros aux 240 000 donateurs imposables, soit une proportion de 82 %. Pourtant, seulement 50 % des FrançaisES sont imposables. Cette petite population n’est donc pas dans le grand besoin. Enfin, puisqu’une toute petite minorité des donateurs apporte l’essentiel des dons, la redistribution fiscale est elle aussi très inégalitaire. 29 millions d’euros ont été reversés aux 10 % les plus riches. Mieux encore : 1,4 million d’euros ont été reversés aux 0,01 % les plus riches, soit autant qu’aux 50 % les plus modestes.
Pesant très lourd dans l’ensemble du système, le financement des partis via les dons est ainsi l’affaire d’une petite minorité de contribuables aisés voire richissimes qui, de surcroît, accaparent l’essentiel du butin fiscal de telle sorte que leur note est proportionnellement beaucoup plus faible que pour les simples sympathisants. Et comme nous parlons quand même de politique, est-il nécessaire de préciser que les plus gros contributeurs versent évidemment leur obole à un petit nombre de partis satisfaisant leurs intérêts ? Bref, l’argent des riches va aux partis des riches, le tout subventionné par les pauvres.
La suite au prochain épisode ! Et en attendant d’en savoir plus, ne vous formalisez pas : profitez de la déduction fiscale pour soutenir le NPA !