Depuis deux semaines, les tensions sont de plus en plus fortes au sein de la majorité du fait du bouclier fiscal, mesure phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy.Le bouclier fiscal a coûté à l’État environ 586 millions d’euros en 2009, soit davantage que l’année précédente, d’après les déclarations, jeudi 1er avril, de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde. Et ce n’était pas un poisson d’avril. 16 500 contribuables ont profité du dispositif en 2009. Certes, ces presque 600 millions d’euros de manque à gagner n’expliquent pas à eux seuls les 145 milliards d’euros de déficit public et les 1 490 milliards de dette mais ils symbolisent la politique menée par Sarkozy et l’UMP : toujours privilégier les plus riches, en dépit de tout. Mais en période de crise aiguë du capitalisme avec un coût social terrible pour les salariés et les classes populaires, l’entêtement du président de la République, qui a rappelé à l’ordre les députés de la majorité, ne passe plus. Normal que cette question « pourrisse » le débat à droite. Depuis l’échec cuisant des régionales, à l’UMP les langues se délient et l’on assiste même à une véritable fronde contre Sarkozy, à travers cet épineux bouclier fiscal. Celui-ci ne gênait pas beaucoup la majorité il y a encore peu de temps, mais devant l’impopularité grandissante du président et celle de cette mesure, certains, de plus en plus nombreux à droite, se désolidarisent du chef de l’État. Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat, estime que l’on ne peut plus « éluder la question de recettes nouvelles et de leur équitable répartition ». Jean-François Copé, son homologue à l’Assemblée – et inventeur du bouclier fiscal en 2006 –, admet que sa « religion n’est pas totalement définitive sur le sujet ». L’ancien Premier ministre Alain Juppé ajoute qu’il ne serait pas choqué « qu’on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent dans la crise ». Le dernier coup de poignard dans le dos est venu de treize députés UMP, plus ou moins « villepinistes », qui ont plaidé pour la suspension du bouclier fiscal et déposé une loi. Mais pour Sarkozy, renoncer à cette mesure, après avoir reculé sur la taxe carbone il y a peu de temps, est purement et simplement inacceptable. Cela signifierait pour lui perdre de l’autorité et céder à des parlementaires. Un comble dans un régime comme celui de la Ve république. Pour le moment, Sarkozy s’entête donc. C’est sans compter le retour de Villepin, bien décidé à se poser en opposant au chef de l’État. Lors d’une conférence de presse après les élections régionales, l’ancien Premier ministre s’est lancé dans un réquisitoire contre la politique de Sarkozy et n’a pas exclu d’être candidat en 2012. Le « chiraquien » Villepin a également annoncé la fondation d’un nouveau mouvement politique qui verra probablement le jour le 19 juin prochain. Évidemment Villepin aura bien du mal à nous faire oublier qu’il est de droite et qu’il a sévi il n’y a pas si longtemps que cela au gouvernement. Il s’était alors illustré notamment par sa politique de répression lors de la révolte des banlieues en 2005 et avec le CPE qu’il avait dû retirer face aux mobilisations. La contestation de parlementaires UMP, le retour de Villepin et la prise de distance du Nouveau Centre révèlent les difficultés de toute la droite et de Sarkozy en particulier, en panne de crédibilité mais surtout de légitimité. À droite le front se lézarde, et ce n’est sans doute que le début.Myriam Martin
Crédit Photo
Photothèque Rouge/Babar