Le 6 mai dernier, jour anniversaire de l’élection de François Hollande, Jean-François Copé en meeting à Nîmes nous a prédit un « printemps des cons », allusion au « printemps français » des opposants au mariage pour tous, Frigide Barjot en tête, et au « mur des cons » de la magistrature dont la droite s’était offusquée. Derrière la formule choc et la vulgarité, la surenchère…Surenchère car, sur le bilan économique et social de Hollande, la droite n’a pas grand chose à redire. La preuve en est qu’elle vote régulièrement avec le PS. En effet, comment critiquer la ratification du TSCG et l’inscription dans le marbre des 0,5 % de déficit structurel ? Comment s’insurger contre le pacte de compétitivité et ses 20 milliards de crédit d’impôt pour les entreprises alors que la droite elle-même n’aurait osé rêver plus beau cadeau pour le patronat ? Comment désapprouver la transformation de l’ANI en loi, quand le PS apporte la pierre principale au chantier de destruction du code du travail mis en œuvre par les gouvernements précédents, et ce avec l’appui d’une partie des syndicats ?Copé a beau jeu à Nîmes de dénoncer « le plus grand matraquage fiscal de l’histoire », à croire qu’il n’a pas bien étudié ses dossiers. La tranche d’imposition à 75 % pour les très hauts revenus, qui ne tenait déjà pas compte des revenus du capital, a été retoquée par le Conseil constitutionnel. Certes, l’ISF a retrouvé son niveau d’avant les années Sarkozy, mais en contrepartie un plafonnement dans la logique du bouclier fiscal a été rétabli et la plupart des niches fiscales ont été maintenues. La bourgeoisie peut donc dormir tranquille, ses intérêts sont aussi bien préservés par Hollande qu’ils ne l’étaient sous Sarkozy. Une droite radicaliséeDifficile donc pour la droite d’attaquer bille en tête le gouvernement sur son bilan sans recourir à l’outrance langagière. La politique néolibérale du PS brouille les cartes avec la droite qui ne peut dès lors se distinguer que sur les questions sociétales. Le mouvement contre « le mariage pour tous » est donc une véritable aubaine pour l'UMP, affaiblie par les luttes fratricides et discréditée par la mise en examen de Sarkozy et les casserolesde Claude Guéant. Dans son discours de Nîmes, Copé appelle à se mobiliser le 26 mai contre « le mariage gay », pour la droite la pierre angulaire de l’opposition au gouvernement, et au-delà pour « exprimer un non global à la politique de François Hollande ».Il est également le vecteur du rapprochement entre la droite et l’extrême droite. Le dimanche 21 avril 2013, 11 ans après l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles, UMP et FN défilaient sous la même banderole contre le « mariage gay ». Mais ce rapprochement ne se fait pas par des discussions d’appareil, comme on aurait pu l’imaginer après les élections présidentielles et législatives. Un rapprochement rendu possible par la radicalisation de la droite sur les questions d’immigration et sur l’Islam et par les tentatives de Marine Le Pen pour polir le discours de l’extrême droite afin de la rendre plus « respectable »… Plus dangereuse, la jonction se fait aujourd’hui par des pratiques militantes et des expériences politiques communes et ce dans la rue, terrain traditionnel de la gauche. Et surtout, cette convergence semble davantage profiter au FN qu’à l’UMP.Front commun contre la réactionAvec son « printemps des cons », la surenchère langagière de Copé, lors d’un meeting tenu dans un département où le FN a fait plus de 25 % des voix, semble traduire la volonté de ne pas se laisser déborder par ce mouvement et comme une tentative de le canaliser. Son appel à ceux qui manifestent contre « le mariage pour tous » à rejoindre les listes UMP aux municipales peut être interprété dans ce sens.Face à une droite et une extrême droite qui occupent le terrain et qui nouent de dangereuses convergences, dans un contexte où les attaques homophobes se multiplient, il y a urgence à organiser une riposte spécifique et à reprendre la rue. Face à une droite, qui utilise le mariage pour tous pour se positionner dans l’opposition au gouvernement, et face à un FN, qui surfe sur les reculs sociaux et « les affaires » de la gauche et de la droite pour se présenter comme la seule alternative possible, il y a urgence à changer le rapport de forces et à reprendre la rue.Nous devons porter la nécessité d’une opposition de gauche, c’est-à-dire construire un front commun contre le gouvernement et le patronat, pour développer les mobilisations sociales et politiques afin de mettre un coup d’arrêt à l’offensive des libéraux, des réactionnaires et des fachos.Camille Jouve et Pierre Baton