Comme en 2017, Macron et Le Pen sont donc qualifiés pour le second tour à l’issue d’une non-campagne et avec une abstention en forte augmentation (26,31 %).
L’élection présidentielle est déjà particulièrement antidémocratique, cette campagne en a été la caricature, avec une parole confisquée par la droite et l’extrême droite, particulièrement par Macron qui remporte à cette étape son pari (27,85 %).
Une campagne pourrie
À aucun moment de cette campagne, le président candidat n’a voulu rendre de comptes sur la politique menée ces cinq dernières années, une politique particulièrement antisociale et autoritaire.
Hélas, le désaveu de ce quinquennat profite à l’extrême droite, contre laquelle Macron n’est en rien un rempart. Pire, sa politique la nourrit quand il s’attaque aux conditions de vie des salariéEs et des chômeurs, quand il chasse, avec Darmanin, les migrantEs et les sans-papiers, quand il stigmatise les musulmanEs avec la loi « séparatisme » ou la campagne contre « l’islamo-gauchisme », quand il réprime violemment les manifestations, comme celles du mouvement des Gilets jaunes...
C’est peu dire que le climat politique de ces derniers mois a pesé sur les urnes. Les questions sociales sont prégnantes, comme la nécessité d’augmenter les salaires et l’ensemble des revenus face à la dégradation des conditions de vie du plus grand nombre. Mais ce sont bien les thèmes de l’extrême droite qui se sont imposés, en particulier sous la pression de Zemmour. Préfigurant un projet fasciste, celui-ci a infusé de ses idées dégueulasses toute la campagne à droite et à l’extrême droite. Signal dramatique, les trois candidatures d’extrême droite représentent près d’un tiers des voix (32,28 %).
Le danger Le Pen
Le Pen n’a jamais été aussi proche du pouvoir. C’est un poison : elle cherche à attiser la haine contre les populations immigrées et d’origine immigrée, ainsi que la division, visant à les surexploiter et à détourner les salariéEs de vrais responsables des crises, du chômage et de la misère.
Le score élevé de Le Pen (23,15 %) et la crise politique, qui confirment le rejet des partis traditionnels de gauche et de droite, nous montrent l’urgence de reprendre nos affaires en main, de nous mobiliser. Ce n’est pas d’un « front républicain » conduit par Macron dont nous avons besoin, mais de construire une large mobilisation contre Le Pen, Zemmour et leurs alliés.
Le prochain week-end doit être marqué par les manifestations les plus massives possible contre l’extrême droite et les politiques libérales et autoritaires qui le nourrissent. Ce sera le cas à Paris où ce samedi aura lieu une manifestation antiraciste et antifasciste, à l’appel en particulier de la Marche des solidarités. Cette mobilisation doit aussi se construire au quotidien dans les quartiers populaires, sur les lieux de travail, dans la jeunesse, partout où c’est possible.
Changement de direction à gauche ?
Toutes tendances confondues, la gauche se maintient comme en 2017 à un niveau très bas (près de 32 % tout cumulé). Dans ce contexte, nous remercions les électeurs et électrices qui ont choisi de voter pour Philippe Poutou, un ouvrier licencié, quelqu’un qui leur ressemble. Nous savons aussi que bien d’autres se sont reconnus dans notre candidature mais ont préféré glisser un autre bulletin dans l’urne, espérant « voter utile ».
C’est dans ce cadre qu’il faut apprécier la percée politique de Jean-Luc Mélenchon (21,95 %), avec qui beaucoup pensaient pouvoir empêcher l’extrême droite d’être au second tour. À l’inverse de ce que l’on a entendu ici ou là, ce ne sont donc pas les autres candidatures qui ont pris des voix à Mélenchon, le privant de second tour, mais lui qui a pleinement bénéficier de ce « vote utile » et a siphonné les autres candidatures. Il paye aussi le prix d’un trajectoire solo qui n’a pas réuni l’ensemble des courants qui lui sont proches (à commencer par le PCF qui l’avait soutenu lors des deux précédentes présidentielles).
La gauche gestionnaire du système (PS en tête) est au fond du trou, et personne ne le regrette. L’Union populaire de Mélenchon a maintenant les cartes en main : savoir quelles initiatives elle va prendre ces prochains mois, tant sur le terrain des mobilisations que de l’organisation de notre camp social, est un des enjeux pour la suite.
Dans l’unité, riposter et construire
Les prochains mois vont être difficiles, on le sait déjà, et plus que jamais nous avons besoin d’unir notre camp social et ses organisations pour y faire face. L’ensemble de la gauche sociale et politique – syndicats, associations, collectifs écologistes, antiracistes, féministes, LGBTI, et forces politiques – doivent se rencontrer pour discuter des initiatives possibles pour changer la donne.
L’urgence est d’abord de construire un front commun et durable contre l’extrême droite. Un front unitaire antifasciste articulant mobilisations de rue et batailles idéologiques.
Nous avons aussi besoin d’organiser la coopération et la coordination, de trouver des moyens d’actions autour d’un programme d’urgence commun pour les luttes. Cela commence par riposter de façon unitaire à l’offensive annoncée de Macron sur la retraite, à mobiliser en faveur des salaires et d’une autre répartition des richesses...
Enfin, comme nous avons pu le mesurer durant cette campagne, beaucoup sont « orphelins » d’une gauche de combat. Il faut reconstruire une force politique anticapitaliste, antifasciste, féministe, écologiste, antimilitariste, anticolonialiste et internationaliste, pour la transformation révolutionnaire de cette société. Cela nécessite un débat dans l’ensemble du mouvement social, du mouvement ouvrier, avec tous les courants et forces qui aspirent à un tel projet. C’est nécessaire et c’est urgent.