Au lendemain du second tour des élections régionales, il serait de bon ton de dire qu’il n’y a ni perdant ni gagnant. Mais la réalité est tout autre. Le FN est le véritable gagnant de ces élections... et le monde du travail, le grand perdant. Il est urgent de reprendre l’initiative.
Une plus forte mobilisation, avec 58,5 % de participation, aucune région aux mains du FN, 7 régions pour la droite, 6 régions pour le PS et ses alliés, voilà le résumé du second tour des élections régionales de 2015. Mais dans les faits, les résultats marquent un approfondissement sans précédent de la crise politique, une droitisation du champ politique et de la société, avec un poids historique de l’extrême droite.
Extrême droite et droite extrême...
Sa première victoire est sa progression en nombre de voix, obtenant plus de 6,8 millions de voix, venant en particulier des ouvriers, des employés, mais aussi désormais des artisans et commerçants, catégories traditionnellement acquises à la droite à l’élection présidentielle de 2012, Marine Le Pen avait obtenu 6,4 millions de voix et lors des dernières élections européennes de 2014, le FN avait obtenu 4,7 millions de voix. Une progression constante et sans appel. Et le FN gagne encore des voix entre le premier et le second tour : ainsi + 172 000 voix par exemple en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Et le FN d’obtenir 358 conseillers régionaux (alors qu’il n’en avait que 110 en 2010), lui permettant ainsi d’être dans tous les conseils régionaux. La deuxième victoire du FN lors de ces élections est d’avoir une fois encore dicté les thématiques de la campagne à ses adversaires : à gauche comme à droite, les thèmes centraux de cette campagne auront été les questions sécuritaires et l’immigration, des thèmes assez éloignés des prérogatives régionales...C’est dans ce contexte que la droite a développé une ligne d’ultra-droitisation lui permettant, comme en Île-de-France, de gagner des voix au second tour qui s’étaient portées vers le FN au premier. Mais sa victoire contrastée ouvre aussi une crise au sein des Républicains et fragilise le leadership « naturel » de Sarkozy. Mais obsédé par 2017, ce dernier n’en a cure et pense sa stratégie d’ultra-droitisation gagnante. Sa première mesure après les élections sera donc de mettre au pas le parti et de liquider les « opposants » à sa ligne « ni gauche ni FN ».
Où est la gauche ?
Alors que le PS a perdu toutes les élections depuis la présidentielle de 2012, il évite cette fois la catastrophe électorale. Mais une fois encore, le constat est sans appel puisqu’il s’agit d’un vote sans adhésion, tant sa crédibilité pour mener une véritable alternative est au niveau zéro. Cela s’est vu au second tour. En effet, le vote PS pour faire barrage au FN fonctionne plutôt bien, mais quand le danger FN est quasi nul, l’envie n’est plus au rendez-vous, comme cela a été le cas en Île-de-France...Une nouvelle fois, le PS et le gouvernement est devant un dilemme. Soit infléchir sa politique comme le demande déjà de nombreux socialistes, en premier lieu l’opportuniste Cambadelis : « Nous ne pouvons plus continuer comme cela. Il faut agir contre la précarité et pour l’activité comme nous nous sommes attaqués à la compétitivité et à la refondation de l’école. C’est l’inflexion qui doit intervenir durant les 18 mois à venir ». Soit continuer et approfondir la même politique, le pied sur l’accélérateur, profiter de l’état d’urgence pour imposer de nouvelles régressions sociales masquées derrière « la République », comme l’a indiqué Valls au soir du second tour... Valls qui dès ce lundi refuse un coup de pouce au SMIC.De son côté, Hollande fait ses comptes en vue de 2017. Certes, il n’est pas le plus populaire mais les attentats et la COP21 lui ont donné la stature qui lui faisait défaut, jouant la carte du rempart au FN… Alors que c’est aujourd’hui sa politique qui fait le terreau de celui-ci !
Et maintenant ?
La gauche non gouvernementale (Europe Écologie-Les Verts, le Front de gauche) a été éliminée au premier tour. Alors que Duflot propose une « coalition » au PS, la question de la survie du Front de gauche est posée, tant sa stratégie au cas par cas aura été inaudible. Un aspect accentué par ses fusions de second tour – programmatiques pour certains et techniques pour d’autres – dans des régions où le FN n’était pas un danger... Un profil d’indépendance vis-à-vis du PS profondément remis en cause.C’est un constat d’échec pour la gauche non gouvernementale, mais cela ouvre aussi bien des interrogations pour les anticapitalistes. La leçon que nous devons tirer de ces élections, c’est qu’aujourd’hui aucune force organisée collective ne représente les classes populaires, les oppriméEs. Pourtant le mouvement ouvrier, le mouvement social, existe, présent dans les luttes pour les droits du monde du travail, contre le patronat et l’austérité, dans la solidarité internationale, contre les politiques racistes. La première urgence est de construire les mobilisations, de retrouver le chemin des luttes : pour la levée de l’état d’urgence, pour Air France, contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, contre la remise en cause du droit du travail, pour la défense des migrants, etc. Au-delà, la construction d’une alternative politique anticapitaliste, d’un nouveau projet émancipateur, reste plus que jamais d’actualité. Et pour cela, il ne faudra pas faire l’économie du débat.
Sandra Demarcq