Parmi les candidats à la primaire de droite, Fillon ne partait déjà pas favori. Sa victoire est en partie due au rejet de Sarkozy ex-président trop bling-bling, empêtré dans les affaires, et à celui de Juppé, suspecté de centrisme. Cette élection jugée imperdable pour la droite, Fillon l’a perdue et dès le premier tour !
Dès le début, Fillon s’est isolé des membres de sa direction de campagne, par son autosuffisance, son arrogance.
Sa victoire à la primaire était liée au fait qu’il portait le projet néolibéral (en matière économique) et réactionnaire (en matière sociétale) le plus abouti. Un programme offensif pour sa classe qui promet de nouveaux cadeaux aux patrons, notamment en s’attaquant fortement aux droits et acquis des salariéEs et des chômeurEs, en baissant de manière drastique le coût de la force de travail. Mais il en fait trop, mécontentant l’UDI et la base populaire de la droite, notamment sur la Sécurité sociale, en renvoyant aux mutuelles privées et aux assurances une majeure partie des remboursements. Il devra ensuite abandonner cette proposition trop impopulaire.
Affaires, projet réactionnaire...
Du haut de sa stature de futur chef d’État, il n’avait pas hésiter à convoquer de Gaulle : « imagine-t-on de Gaulle se présentant à l’élection et mis en examen ? » C’est pourtant ce qu’il va faire... Sa mise en examen va ébranler ses « amis » de parti, et certains ne le soutiendront plus que du bout des lèvres. Et sa campagne va se focaliser sur les affaires, bien davantage que sur ses propositions politiques et économiques.
Dans ce cadre, c’est la partie la plus réactionnaire de son programme que Fillon va alors mettre en avant. Maniant l’outrance avec un comportement proche de celui de Marine le Pen, autre présumée coupable de la campagne (!), il ne va pas hésiter à hurler au complot et à l’assassinat politique perpétré par des juges rouges. Et plus il va rejeter les preuves de ses délits, plus il va faire une campagne fortement orientée sur les axes sécuritaires, la tolérance zéro sur les quartiers, l’institutionnalisation de l’état d’urgence, l’augmentation du nombre de policiers et de militaires... Une campagne également ancrée autour de l’identité de la France catholique et éternelle, proposant même de choisir des ministres issus de l’ultra-réac « Sens commun » et d’utiliser la déchéance de nationalité. Un programme réactionnaire, en faveur de l’ordre et de la famille, catholique intégriste de préférence...
Dans sa chute, emportera-t-il Les Républicains ?
Avec 20,01 % des voix, il arrive donc en troisième position, provoquant un séisme politique dans une 5e République marquée depuis 35 ans par l’alternance au gouvernement des partis de la droite et de la gauche institutionnelles. Les voix qui lui ont manqué se sont reportées à l’évidence sur Le Pen et Dupont-Aignan, plus crédibles sur leurs propositions de droite dure. Une partie des centristes a votée Macron, rebutée par les excès en tout genre de Fillon.
Après ce premier tour, LR a donc perdu son ex-nouveau leader, son projet, sa ligne politique, sa relative unité. Lundi, ce parti explosé a difficilement trouvé un compromis lors de la réunion de son bureau politique pour appeler à « voter contre Marine le Pen » au second tour. Une direction intermédiaire va penser l’organisation des législatives, une bataille que Fillon ne mènera pas, occupé à « panser les plaies de (sa) famille » !
Avec cette nuit des longs couteaux qui commence, et Juppé et Sarkozy triomphants ne seront pas les seuls à y participer, le glas de LR pourrait bien sonner. Nul doute que le monde des possédants saura trouver un autre outil, fidèle à ses intérêts politiques, économiques et financiers, pour continuer le combat contre notre classe.
Roseline Vachetta