Avec 57 % et 670 voix, contre 500 se prononçant pour une liste Front de gauche autonome, les militants du PCF de Paris ont finalement tranché en faveur d’une alliance pour les municipales avec le PS. Auparavant, avaient été négociés 13 élus (contre 8 actuellement) et 32 conseillers d’arrondissement pour le PCF. Un vote qui accentue la crise...Anne Hidalgo s’est félicitée de ce vote qui vient « prolonger et amplifier la dynamique de rassemblement et d’action de l’union de la gauche », rappelant les treize années de gestion commune PS-PCF. Du point de vue du PCF, il n’y a pas lieu de trop se réjouir. 57 %, c’est nettement moins que le vote de la direction fédérale, 67 %. Les pressions et consignes du Colonel-Fabien n’ont pas suffi à convaincre et de fait cette faible majorité est un désaveu de la direction, l’expression du mécontentement contre le gouvernement. La contradiction entre le discours du PCF et sa politique réelle pour sauver ses élus le met dans une position inconfortable où il risque de se faire dépouiller à la fois par le PS et par le PG.
Crise du PCFContrairement à Mélenchon qui parle de « trahison », Igor Zamichiei, secrétaire fédéral de Paris, tente de dédramatiser : « Le Front de gauche sans le PG ou sans le PCF, ce n’est pas le Front de gauche. Ne réduisons pas le Front de gauche à une stratégie d’autonomie électorale. » Mais bien des militants ont l’impression que l’on se moque d’eux et resteront chez eux plutôt que de faire campagne pour Anne Hidalgo.« Paris doit être la capitale de la résistance à l’austérité », prétend Danielle Simonnet, tête de liste du PG. Elle tend la main aux militants PCF qui voudraient la rejoindre pour tirer profit de la crise qui touche le parti. Mais elle laisse ouverte la question des alliances au second tour car l’autonomie prônée par Mélenchon n’est pas une réelle indépendance, encore moins une opposition aux partis gouvernementaux. Elle ne vise qu’à « disputer l’hégémonie aux socialistes » pour se rabibocher pour le second tour après avoir négocié les places. Est-ce pour autant que « l’exception » de Paris ne serait qu’un simple épisode sans conséquence ? Certainement pas car en arrière fond de la polémique, il y a les rapports de forces au sein du Front de gauche. Pour les européennes comme pour le second tour des municipales, les rivaux sauront se réconcilier. « Soyons sérieux ! » s’agace Ian Brossat, persuadé que PCF et PG mettront de côté leur différend municipal pour « partir unis aux européennes ». Certes, mais « il y aura un avant et un après le vote des communistes à Paris » selon la formule de Mélenchon. C’est certain d’autant que, dans bien des villes, la direction du PCF se trouve désavouée, ce dont se félicite Mélenchon.
De l’indépendance à l’oppositionTant mieux que la voie de l’indépendance vis-à-vis du PS se renforce, même si pour Mélenchon l’enjeu est d’abord de s’assurer la main sur le Front de gauche face à un PCF éclaté et affaibli. Celui-ci avait cru pouvoir enrayer sa crise en participant à l’étrange attelage que constitue le Front de gauche, convaincu que la force de son appareil et de ses élus lui assurerait une influence prédominante. C’est justement cette question que veut essayer de régler Mélenchon. Pour lui , « un Front d’un type nouveau sera présent : certains communistes l’auront quitté, pas tous, loin de là, d’autres composantes l’auront rejoint peut-être. Mais plus rien ne sera comme avant. » Il compte sur les européennes pour achever son OPA sur le Front de gauche et le PCF.Par delà les calculs des uns et des autres, le débat sur la nécessaire rupture avec les partis gouvernementaux gagnent du terrain. La lutte contre les politiques d’austérité, le gouvernement qui les mène et la majorité qui le soutient nécessite une toute autre stratégie que celle de l’autonomie, une stratégie de rupture et d’opposition. C’est ce que nous défendrons publiquement pour les municipales comme dans les mobilisations en nous adressant au PG ainsi qu’au PCF, en constituant chaque fois que possible des listes indépendantes et d’opposition, au premier comme au second tour, en espérant que bien des militantEs du Front de gauche sauront tirer les leçons de sa crise actuelle : la nécessité de construire une opposition anticapitaliste au gouvernement.
Yvan Lemaitre