Depuis la défaite de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, les polémiques et les règlements de comptes ne cessent de fleurir au sein du FN...
Après le départ de Marion Maréchal-Le Pen, les hésitations de Marine Le Pen à se présenter aux législatives, puis son mea-culpa sur son débat raté d’entre-deux-tours, voilà le parti d’extrême droite agité par un débat « pour ou contre Philippot »...
En effet, l’éminence grise de Marine Le Pen, Philippot, celui avec qui elle a tout construit depuis son accession à la présidence du parti en 2011, se sent fragilisé au point de mettre sa démission dans la balance en cas d’abandon par le FN de ce qu’il considère comme central dans son combat : le retour à la monnaie nationale. D’après lui, l’échec à la présidentielle serait dû au fait que le Front national « a fait croire aux Français qu’il y aurait deux monnaies dans le portefeuille, ce qui était faux, ça n’a jamais été notre ambition. Ça a stressé tout le monde ». Philippot a créé sa propre association à l’intérieur du FN, « les Patriotes », dont la vice-présidence a été confiée à un transfuge de Debout la France. Un micro-parti qui, selon lui, a pour « vocation à rassembler des frontistes et des personnes extérieures au FN »...
Le chantage exercé par Philippot et ses petites menées parallèles au Front ont déclenché une salve de tirs de riposte : « Il veut être calife à la place du calife, il ne se rend pas compte qu’il n’est pas très populaire au sein du FN », a attaqué le conseiller économique de Marine Le Pen, Jean-Richard Sulzer mardi 23 mai. Nicolas Bay et Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen, sont eux aussi montés au créneau contre Philippot. « Marion est partie, Philippot fait son association, et Marine le laisse faire : ça n’a pas contribué à l’unité post-présidentielle, déplore un responsable de fédération de l’Est de la France interviewé par le Monde. Les gens pensent qu’il a lancé les Patriotes pour faire du chantage à Marine »...
L’heure de la recomposition n’est pas encore venue
Pas de doutes sur le fait que Philippot reste pour l’heure au sein du FN. D’autant que le vice-président du FN a placé bon nombre de ses proches dans des circonscriptions gagnables aux législatives, à commencer par son propre frère Damien dans l’Aisne ou encore le conseiller régional Kevin Pfeffer en Moselle.
Au-delà des rancœurs, inimitiés, voire de la haine farouche à l’encontre la personne du vice-président du FN, c’est bien un clivage idéologique et stratégique qui déchire le parti. Philippot est le tenant d’une ligne souverainiste mettant l’accent sur le protectionnisme et l’opposition à l’Union européenne. En face, de nombreux frontistes estiment qu’il vaut mieux mettre en avant les thématiques historiques du FN, comme l’immigration et la sécurité, tout en envoyant des signes à l’électorat de droite en tenant une ligne plus libérale. Mais pour l’instant, en attendant les résultats des législatives, et donc la vérité des prix sur le nombre de députés que le FN va réussir à faire élire (et sur ceux-là, combien sur la « ligne Philippot »), le FN doit préserver un tant soit peu son unité déjà bien mise à mal.
Du coup Marine Le Pen tente laborieusement de jouer les casques bleus. « Je ne prends pas les propos (de Philippot) pour du chantage », a-t-elle déclaré lundi 22 mai... Tout en n’excluant pas un départ de son numéro 2 si la sortie de l’euro disparaissait du programme du FN : « Il exprime une conviction qui est une conviction forte et après tout, il ira au bout de ses convictions ». Le casus belli est renvoyé au congrès du parti au début de l’année 2018.
Marie-Hélène Duverger