Lors de son talk-show insipide sur Canal + le 19 avril dernier, Hollande a comparé le discours de Marine Le Pen à un « tract du Parti communiste des années 1970 ». Ce n’est pas une boulette, mais bel et bien le révélateur d’une orientation profonde.
Après Sarkozy qui mettait il y a peu un trait d’égalité entre le discours de Marine Le Pen et celui de Mélenchon, Hollande use donc d’une analogie proche : « Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970. En pensant qu’on peut fermer les frontières, qu’on peut nationaliser les industries, qu’on peut sortir un certain nombre de capitaux de notre pays sans risque. Sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers, qu’on fasse la chasse aux pauvres… ».
La petite sortie de Hollande a fait le buzz, et a donné l’occasion à plusieurs médias de remettre en lumière l’orientation suivie par le PCF il y a quelques décennies. Il est vrai qu’à la fin des années 70 et au début des années 80, ce parti avait lancé une campagne « produisons français », et certains de ses illustres représentants avaient même tenu des propos allant assez loin dans la dérive sur la question de l’immigration. « En raison de la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine », déclarait ainsi Georges Marchais le 6 janvier 1981 lors d’un meeting à Pantin dans le 93...
Mais, quoi qu’on en dise, contrairement au FN, le nationalisme du PCF s’est toujours mélangé à l’internationalisme de ses militantEs qui distribuaient dans le même temps des tracts appelant à la solidarité entre travailleurs français et immigrés, voire militaient dans des organisations antiracistes. Il n’est pas, comme le FN, héritier d’une tradition d’extrême droite aux accents racistes ou antisémites.
Après « les Républicains », le Parti démocrate ?
L’analogie de Hollande est assez symptomatique de la rupture du Parti socialiste, et du gouvernement Valls en particulier, avec une partie de son histoire. Avec cette sortie, Hollande tourne le dos à l’union de la gauche qui a été la politique du PS de Mitterrand à Jospin, voire à la gauche elle-même. Il opère un recentrage « libéral-démocrate », avec éventuellement la recherche d’alliés au centre.
Ainsi, Hollande renoue avec son propre engagement de 1984 quand il se prononçait pour « une modernité démocrate », faisait l’éloge de la libre entreprise et prônant la « liberté avant tout ». Depuis, il n’a eu de cesse de faire que le PS opère une mue libérale plus ou moins radicale, en voulant imposer une « troisième voie » à la Tony Blair. Son arrivée au pouvoir, il y a trois ans, et la politique qu’il mène depuis en faveur de la finance et des plus riches, en est la consécration, sans oublier la nomination d’un banquier à l’économie !
Entre 1984 et aujourd’hui, Hollande, l’homme de parti, orfèvre de la synthèse, a parfois varié, au gré des alliances et des rapports de forces. Mais sur le fond, il n’a jamais changé : il a toujours voulu redéfinir le « socialisme », et transformer son parti en parti démocrate à l'américaine, aujourd’hui obsédé par l’ordre républicain et la sécurité nationale.
Aujourd’hui, avec tout de même en tête le risque d’approfondir la crise du Parti socialiste, il semble prêt à organiser la rupture à gauche.
Sandra Demarcq