Avec 11,11 % des voix, le candidat du Front de Gauche enregistre un résultat en net progrès par rapport aux candidatures du PCF lors des précédentes élections présidentielles. Il contribue ainsi à incarner la volonté d’un réel changement. Pour autant, les contradictions qui travaillent ce regroupement politique n’ont pas disparu et pourrait même s’accentuer après un score vécu comme mitigé par les militants du Front de Gauche.
Jean-Luc Mélenchon a donc finalement fait dans l’urne un score inférieur aux intentions de vote dont il était crédité dans les sondages depuis plusieurs semaines, de 12 à 15 %. De plus, le Front de Gauche n’a pas réussi à « mettre loin derrière lui » la candidate d’extrême droite, comme l’avait exprimé ses représentants dans ces dernières semaines de campagne. Pourtant son score est loin d’être un échec. Mélenchon multiplie notamment par six le résultat de la candidate du Parti communiste en 2007, Marie-George Buffet. Il a ainsi réussi à regrouper autour de sa candidature une large partie des voix de la gauche radicale pour occuper l’espace à la gauche du PS.
Avec notre candidature et celle de Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière, cet espace se traduit par 13,23 %. Soit à peu près le même niveau qu’en 2002 mais presque quatre points de plus qu’en 2007. Il y a une petite poussée à la gauche du Parti socialiste, mais surtout un déplacement politique en direction des forces antilibérales du Front de Gauche.
On peut voir d’un bon œil la dynamique que celles-ci ont su incarner à la gauche du PS, exprimant ainsi une réelle méfiance si ce n’est une défiance à l’égard du candidat socialiste. Mais il faut aussi apprécier les limites programmatiques, voire le recul, que représente ce transfert de voix de l’extrême gauche vers le PCF et le PG. Au-delà d’un discours parraissant souvent radical, Mélenchon s’est situé dans une ambiguïté permanente par rapport aux institutions. En particulier, ses références à la nation ou à la souveraineté de la République, son refus de toute dénonciation de l’impérialisme français auront accompagné la défense de mesures plutôt avancées comme l’augmentation du Smic à 1 700 euros net.
Le Front de Gauche a travaillé pendant cette campagne à éloigner l’épineuse question du rapport au Parti socialiste, notamment dans la perspective d’un retour de celui-ci au pouvoir. Cette campagne aura vu sur cette question à la fois des réponses toute personnelles du candidat (« je n’irai que dans un gouvernement que je présiderai moi-même... ») et des déclarations plus directes de la direction du PCF, dont une dernière de Pierre Laurent qui fixe comme objectif à la mobilisation du Front de Gauche aux élections législatives de « faire élire une majorité de gauche à l’Assemblée nationale, avec le maximum de députés du Front de Gauche ».
Une chose est sûre : dit plus ou moins clairement, le candidat Mélenchon et ses divers porte-parole ne se sont pas positionnés en fin de campagne pour obtenir que le Front de Gauche ait des ministres dans un futur gouvernement. Ils ont d’abord cherché à ce que François Hollande se situe plus à gauche sous la pression d’un score important de Mélenchon, voire dans un proche avenir d’une possible majorité parlementaire incluant tout ou partie du Front de Gauche.
Il est maintenant fort possible que l’absence de ce haut score – que les dirigeants et militants du Front de Gauche auraient souhaité aux alentours d’au moins 15 % – rouvre les débats concernant l’orientation et la stratégie de ce regroupement politique, en particulier dans son rapport au Parti socialiste et aux institutions. Le NPA s’adresse au Front de Gauche, comme à LO et à l’ensemble de la gauche sociale : il est temps de construire une riposte unitaire à l’austérité et de préparer une opposition de gauche à Hollande. Y est-on prêt du côté du Front de Gauche ?
Manu Bichindaritz