Hollande vient soi-disant de mettre fin à un sempiternel clash entre Valls et Taubira, les ministres de l’Intérieur et de la Justice, concernant le projet de loi Taubira. Il faut dire que la polémique a empoisonné le gouvernement une bonne partie du mois d’août. Qu’en est-il en réalité ?
Depuis des années, nous assistons à la pénalisation croissante de notre société. Les prisons battent tous les records de surpopulation. Certains ont cru qu’après plus de dix années de politique sécuritaire, l’alternance politique serait l’occasion d’une véritable rupture dans la politique pénale. Loin s’en faut ! En effet, un récent communiqué de l’administration pénitentiaire fait état de 67 684 personnes incarcérées en France au 1er août 2013, soit encore une augmentation de 1,4 % en un an. En dépit des engagements du Président de la République, rien, ou presque, ne s’est passé depuis l’arrivée du parti socialiste et de ses alliés au pouvoir. L’administration pénitentiaire connaît une situation catastrophique en termes de moyens humains et matériels, et les organisations syndicales dénoncent régulièrement les conditions déplorables des agents qui ne peuvent plus mener à bien leurs missions.
Le gouvernement traîne des pieds
Dans ce contexte, le ministère de la Justice a préparé pendant des mois une réforme pénale censée correspondre aux engagements du candidat Hollande, qui étaient de cesser enfin la politique du « tout carcéral » mise en œuvre par Sarkozy, à abroger la loi sur les peines plancher et la rétention de sûreté qui n’ont eu aucun impact sur la récidive. En effet, Hollande lui-même avoue que cette dernière a triplé entre 2004 et 2011.
Mais dès l’annonce de quelques mesures par Christiane Taubira, son collègue de l’Intérieur a immédiatement réagi par une lettre ouverte adressée le 25 juillet 2013 au Président de la République. Valls, qui ne cache jamais ses velléités ultra sécuritaires, mais qui est sans doute aussi le porte-voix d’autres ténors du parti socialiste, a révélé son profond désaccord sur la réforme pénale engagée. Il s’est permis de souligner « le bref délai dans lequel est conduite la réflexion sur un projet techniquement dense et politiquement sensible ». Il considère, bien sûr, que le parc pénitentiaire est sous-dimensionné ! Il estime que certains récidivistes nécessitent une « exigence accrue de prévisibilité et de fermeté de la loi pénale », pas moins !
Face à de telles protestations publiques, la tête de l’exécutif a mis plus d’un mois avant de rendre les arbitrages sollicités. C’est en effet seulement vendredi 30 août que Hollande a réuni autour de lui à l’Élysée les protagonistes, Ayrault, Taubira et Valls, et annoncé les mesures retenues. De son côté, Matignon se borne à prédire une présentation du texte en Conseil des ministres en septembre ou octobre. Mais cette réforme ne figure pas au calendrier parlementaire de la fin 2013. Et beaucoup parient sur un report de son examen après les prochaines échéances électorales seulement.
Peu d'ambition et de moyens
Hollande confirme la suppression des peines plancher introduites en 2007, et sa volonté de mesures pour éviter les « sorties sèches » de prison sans accompagnement, ni suivi, ni surveillance. Il annonce par ailleurs la création d’une nouvelle peine, la contrainte pénale. Elle permet le contrôle du condamné sans incarcération. Elle pourrait s’appliquer à tout délit aujourd’hui passible de cinq ans de prison ou moins. Il faut rappeler qu’en 2011, sur 118 000 peines de prison infligées en raison de délits, guère plus de 1 000 peines ont été prononcées pour plus de cinq ans. En revanche, l’idée d’un aménagement automatique des fins de peine, fortement critiquée par Valls, est définitivement abandonnée.
Chargés de faire exécuter les peines aménagées ou avec sursis en dehors des prisons, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sont au cœur de cette réforme. Aujourd’hui, ils sont seulement 4 000 alors qu’ils ont déjà en charge plus de 175 000 personnes ! Les organisations syndicales de la justice soulignent que la nouvelle peine de probation regroupe des mesures de contrôle, d’interdiction, de réparation et d’éducation, ce qui va nécessiter d’importants moyens. Alors que les agents sont au cœur du dispositif, ils se plaignent d’avoir été tenus à l’écart de l’élaboration du projet. Et Taubira ne promet pour l’instant que la création de 300 nouveaux postes...