Le 4 décembre, le Premier ministre Édouard Philippe déclarait, à propos du mouvement des Gilets jaunes : « Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas voir ni entendre cette colère. Je l’entends et j’en mesure la réalité, la force et la gravité. » Et de proposer un « moratoire » de six mois sur les hausses des taxes sur les carburants et sur les modalités du contrôle technique, ainsi qu’un gel des augmentations des prix du gaz et de l’électricité. C’est tout ? C’est tout. De toute évidence, Édouard Philippe et Emmanuel Macron n’ont rien vu, rien entendu, et rien compris.
La colère qui s’exprime depuis plusieurs semaines autour du mouvement des Gilets jaunes est une colère profonde, et ce ne sont pas les fausses mesures annoncée par le Premier ministre qui répondront aux aspirations des centaines de milliers de personnes qui se mobilisent, et des millions qui sont solidaires. Le prix des carburants n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : ce qui se passe dans les rues et sur les routes depuis le 17 novembre n’a rien à voir avec un mouvement sectoriel qui pourrait être satisfait avec des promesses de non-augmentation des prix et quelques entourloupes comptables autour du SMIC, sans augmentation effective et substantielle. Quiconque s’est rendu dans les manifestations et sur les points de blocage de ces dernières semaines a en effet pu réaliser que c’est une politique dans sa globalité qui était remise en question : toujours plus pour les riches, toujours moins pour les plus pauvres ; un accroissement des inégalités socio-territoriales ; une arrogance et une condescendance vis-à-vis des classes populaires, qui confirment à qui refuserait de le voir que le pouvoir mène une politique de classe en n’ayant que mépris pour la grande majorité de la population.
Crise politique
Il convient toutefois de prendre ces annonces pour ce qu’elles sont : un recul, très partiel, mais un recul tout de même, qui tranche avec l’inflexibilité affichée depuis l’arrivée au pouvoir de Macron. Il faut dire que la journée de mobilisation du 1er décembre a marqué un tournant dans la situation, approfondissant la crise dans laquelle se trouve la Macronie depuis plusieurs mois. Une crise qui s’était notamment révélée au moment de l’affaire Benalla, suivie des démissions de Hulot, de Gérard Collomb, et des difficultés à composer une nouvelle équipe gouvernementale. Avec une base sociale en rétrécissement continu depuis un scrutin où Macron a été mal élu, la clique des start-upeurs n’a que très peu de marges de manœuvre et, confrontée à une mobilisation inédite et populaire dans tous les sens du terme, donne des signes de panique qui devraient redonner du baume au cœur à celles et ceux qui avaient pu se laisser gagner par la résignation ou le fatalisme.
Il fallait les voir, le soir du samedi 1er décembre, avec leurs mines déconfites, à tenter de justifier l’injustifiable, de défendre l’indéfendable et de vouloir détourner l’attention sur « les casseurs ». Au soir d’une journée de mobilisation aux quatre coins du territoire, les ministres et parlementaires LREM n’avaient rien d’autre à afficher que leur solidarité avec les forces de police et leur indignation face aux « violences ». Et de déplorer, au diapason des éditorialistes, l’absence de « représentantEs » avec qui dialoguer, grossier subterfuge pour ne pas discuter concrètement des revendications, aussi hétérogènes soient-elles, portées par le mouvement. Une agressivité et un mépris vis-à-vis des manifestantEs et de leurs soutiens qui n’a guère fait illusion : les enquêtes d’opinion des jours suivants ont confirmé la popularité du mouvement – et la vulgarité de la manœuvre : une expression supplémentaire du rejet massif de Macron, de son personnel et de sa politique.
C’est le moment !
Les faux reculs du gouvernement sont en ce sens de vrais points d’appui : ils sont la démonstration que le pouvoir vacille dans ses bottes et qu’une extension de la mobilisation pourrait les contraindre à reculer pour de bon. De nombreuses initiatives locales ont démontré qu’il était possible de construire des convergences entre les Gilets jaunes et des secteurs significatifs du mouvement ouvrier et du mouvement social, animés par une même exaspération face à une politique au service des riches et un mépris des classes populaires et de leurs revendications, ainsi que par un refus des mauvais coups à venir. Les mobilisations qui se développent dans les lycées indiquent que d’autres secteurs, y compris dans la jeunesse, sont prêts à rentrer dans la bataille.
C’est le moment ! Il faut désormais forcer la crise, et appuyer là où ça fait mal. La journée de mobilisation du 8 décembre est la prochaine étape de la bataille en cours, où les Gilets jaunes et leurs soutiens, les forces syndicales et politiques, ainsi que les écologistes convaincus de l’indispensable articulation entre revendications sociales et écologiques, peuvent et doivent se retrouver dans la rue pour faire franchir un nouveau cap à la mobilisation. Les unEs comme les autres, sans nier la diversité des préoccupations, ont tout à y gagner. Le pouvoir ne s’en sortira pas en continuant la violente fuite en avant de ces derniers jours contre les manifestantEs. Macron doit céder aux revendications du mouvement. Sinon il faut qu’il parte.
Le NPA appelle le monde du travail, la jeunesse, l’ensemble de la population à se mobiliser samedi, à créer toutes les convergences pour que le plus massivement possible s’exprime le rejet de la politique de Macron et de son gouvernement. Ceux-ci commencent à reculer : il est plus que temps d’y aller, de manifester, de bloquer l’économie, de bloquer le pays, notamment par la grève, touTEs ensemble.
Julien Salingue