Il était difficile de savoir, à l’avance, à quoi ressemblerait le « convoi de la liberté » qui s’est rendu à Paris vendredi et samedi derniers. Avec un mélange de revendications sociales (pouvoir d’achat, services publics, inégalités…), d’opposition aux mesures sanitaires autoritaires mais aussi des slogans flous autour de la « liberté » et, parfois, une opposition assumée à la vaccination, les « convois de la liberté » ont exprimé des dynamiques contradictoires. Mais le moins que l’on puisse dire est que la réponse du gouvernement a été limpide : interdictions, intimidation et répression. Confirmation supplémentaire du fait que le pouvoir redoute une explosion sociale pendant la campagne électorale.
Manifestation interdite à Paris, 7 200 policiers et gendarmes déployés, des dizaines de barrages routiers, des véhicules blindés autour des Champs-Élysées : on se serait cru revenu en arrière de quelques années, au plus fort du mouvement des Gilets jaunes, lorsque, chaque week-end, le pouvoir tentait, par des démonstrations de force, de faire taire la contestation sociale.
« Ordre républicain »
Au moins 97 interpellations ont été recensées le 12 février, dont celle de Jérôme Rodrigues, figure des Gilets jaunes, poursuivi pour « organisation d’une manifestation non autorisée », et plus de 300 personnes ont été verbalisées pour « participation à une manifestation non autorisée ». Fier de ce bilan, le sinistre Darmanin a pu déclarer : « Merci aux policiers et gendarmes mobilisés ce week-end à travers la France, et notamment à Paris, pour faire respecter l’ordre républicain et la liberté de circulation ». Celles et ceux qui se sont rendus sur les Champs-Élysées le 12 février ont pu mesurer ce que signifie « l’ordre républicain » pour Darmanin et les siens : des véhicules blindés, des unités de police et de gendarmerie équipées pour une guerre civile, et un air saturé de gaz lacrymogène.
On ne s’attardera pas, en outre, à relever l’outrance que constitue l’emploi de l’expression « liberté de circulation » par un ministre de l’Intérieur qui n’a eu de cesse de mener la traque aux migrantEs et de durcir les conditions d’accueil en France. En revanche, ce que l’on peut constater, c’est qu’une fois de plus le pouvoir a fait le choix de mépris et délégitimer toute forme de contestation, et d’avoir recours à la manière forte pour faire taire les récalcitrants. Dire cela n’est pas exprimer un soutien inconditionnel à celles et ceux qui ont participé aux « convois de la liberté » et à l’ensemble de leurs revendications, a fortiori dans la mesure où la présence de courants antivax et complotistes d’extrême droite était notable dans certains endroits. Mais il n’en demeure pas moins que la réponse préventive brutale du pouvoir est un indicateur de l’air du temps : Macron et compagnie redoutent une explosion sociale de type « Gilets jaunes » pendant la campagne électorale. Et c’est sans doute pour les mêmes raisons qu’ils ne veulent pas d’un débat où serait présent Philippe Poutou…
Pour que le ras-le-bol de Macron puisse s’exprimer
Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont raison. Après cinq ans de politiques antisociales, d’accroissement des inégalités, de mépris pour « ceux qui ne sont rien », de restriction des libertés individuelles et collectives, sans même parler de la gestion catastrophique de la crise sanitaire, la colère est bien là. Et on sent bien qu’il ne suffirait pas forcément de grand chose pour que le ras-le-bol de Macron et de ses politiques pour les riches s’exprime, y compris pendant la période électorale. Pour le dire simplement : nous le souhaitons, et ce serait même probablement le meilleur moyen de changer le climat global réactionnaire, raciste, comme on a pu le voir en janvier avec les mobilisations des personnels de l’éducation qui ont, pendant quelques jours, été une véritable bouffée d’oxygène.
C’est pourquoi, pour nous, la campagne présidentielle n’est pas une parenthèse dans la lutte des classes, bien au contraire. C’est pourquoi nous considérons que les élections ne sont pas une fin en soi mais un moment politique dont il s’agit de se saisir pour bousculer le train-train des partis institutionnels et pour faire entendre une autre voix que celle du bla-bla des politiciens professionnels : la voix de celles et ceux qui refusent de se résigner à l’ordre des choses, et qui veulent le faire savoir y compris dans les urnes. À ce titre, les luttes sociales ont toute leur place dans la campagne, et c’est pourquoi nous nous employons à les construire et les soutenir, en invitant des collectifs de lutte dans nos meetings, en organisant des visites de soutien à des salariéEs en bagarre, etc.
Avec Philippe Poutou et le NPA, nous affirmons non seulement que ces luttes peuvent venir chambouler la présidentielle mais aussi que, si elles sont fortes, si elles convergent, elles peuvent et doivent poser le problème politique du pouvoir : la nécessité de se débarrasser de Macron et d’un personnel politique qui a pour seul objectif de servir les classes dominantes, voire d’écraser toute opposition comme voudrait le faire l’extrême droite raciste et autoritaire. Avec, à l’opposé, la nécessité d’imposer un pouvoir d’en bas, de celles et ceux qui produisent les richesses et font tourner la société, les exploitéEs et les oppriméEs, pour en finir avec le capitalisme.