Ceux qui prédisaient ou souhaitaient un « virage social » en auront été pour leurs frais. Le 13 juin, devant le congrès de la Mutualité, Macron s’est contenté d’une grandiloquente dissertation de plus d’une heure, justifiant la poursuite de ses contre-réformes libérales.
Pour que les « illettréEs » de chez Doux ou les « gens de rien » peu perméables aux envolées philosophiques comprennent, le service com’ de l’Élysée avait mis en ligne quelques heures plus tôt une vidéo où Macron se mettait en scène dénonçant le « pognon de dingue » affecté aux aides sociales.
Le procédé n’est pas nouveau. Pour justifier la destruction du système de protection sociale, il faut commencer par le discréditer. Comme si ce n’était pas les contre-réformes des retraites,de l’assurance maladie ou de l’assurance chômage, qui transformaient progressivement les « droits réels » en « droits formels » selon l’expression présidentielle, en réduisant le niveau des pensions, en retardant l’âge de la retraite, en rendant l’accès aux soins plus difficile ou en indemnisant de plus en plus mal le chômage.
Puisant dans le vieil arsenal idéologique de la droite et des classes dominantes, Macron distingue deux catégories de pauvres. D’un côté les incurables, les inemployables, en un mot les irrécupérables, qui relèvent de la charité ou de sa forme laïque, l’assistance, un minimum de survie qui doit coûter le moins possible. Le RSA (550,93 euros, à peine plus qu’une des assiettes du nouveau service de l’Élysée) ou la prime d’activité seraient des dépenses inconsidérées. Quant aux autres, que les aides sociales inciteraient à se maintenir dans l’oisiveté, il faut les « responsabiliser » et les « accompagner » de gré ou de force vers un travail qu’ils devront accepter sans conditions.
L’acharnement contre les « aides sociales » est celui des classes dominantes contre une protection sociale qui, à leurs yeux, redistribue encore trop la richesse. Avant cette redistribution, les 10% les plus riches gagnent 20 fois plus que les 10% les plus pauvres, mais après ils ne gagnent plus « que » 6 fois plus. Le taux de pauvreté est d’environ 14% après redistribution ; sans cette redistribution, il serait un peu supérieur à 20 %.
Pour eux il est donc urgent que le « pognon » aille encore plus au « pognon ». Ils ne se trompent pas : c’est bien de la répartition des richesses qu’il est question.
Jean-Claude Delavigne