Publié le Mardi 25 avril 2017 à 11h33.

Macron : Tout est bon pour les patrons

Derrière l’aventure personnelle de Macron, on trouve le grand patronat et une partie du personnel politique du PS et de la droite. Rien d’étonnant donc à ce que la bourse ait pris 4,5 % au lendemain du premier tour.

Macron veut se donner l’image d’un homme jeune et nouveau. Jeune, il l’est effectivement. Mais nouveau… Avant d’être ministre des Finances, l’énarque a fait une carrière marquée par des allers-retours entre la haute administration et la banque (plus précisément la banque Rothschild où il a gagné plus de deux millions d’euros).

Inspirateur et continuateur de Hollande

Il fut ensuite, d’abord comme secrétaire général de l’Élysée, un des hommes clefs de la présidence Hollande. « Les spartakistes, on les aura ! », proclamait-il à cette époque face aux velléités des « frondeurs » de s’opposer aux mesures du « pacte de compétitivité », c’est-à-dire aux cadeaux supplémentaires au patronat sous la forme du CICE et de nouvelles baisses de cotisations sociales employeurs et d’impôts. Macron a, par ailleurs, contribué au choix de l’Élysée de ne pas légiférer sur les salaires des patrons et de privilégier un « code de bonne conduite »... qui les laisse en pratique libres de faire ce qu’ils veulent.

Nommé ministre de l’Économie, il attache son nom à la « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (la loi Macron) qui modifie notamment la réglementation concernant le travail le dimanche et de nuit,  les transports avec l’ouverture du marché des autocars, etc. Par peur de ne pas trouver de majorité sur ce texte, le gouvernement Valls décide d’utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour la faire adopter.

Macron n’est donc pas un ministre « lambda », mais il pressent l’effondrement du hollando-vallsisme. Il a compris que la crise du PS et l’incapacité du « centre » à se constituer en force politique indépendante des Républicains ouvraient la possibilité d’une opération bonapartiste qu’il s’acharne à organiser. Il commence à collecter des fonds auprès de donateurs fortunés, crée en avril 2016 son propre mouvement « En marche ! », puis démissionne du gouvernement. Il annonce en novembre 2016 sa décision de se présenter à la présidentielle sans passer par les primaires du PS.

L’homme de toutes les nomenklaturas

Il se présente comme « ni de droite, ni de gauche » et ne veut pas être assimilé aux hommes politiques qui ont exercé le pouvoir, qu’ils viennent de la droite ou du PS. Cela ne l’empêche pas d’additionner les soutiens : à droite du côté de Bayrou, et surtout du PS. Enfin, il faut mentionner quelques écologistes (Daniel Cohn-Bendit) et ex-communistes (Robert Hue, Patrick Braouezec) en perte de repères...

Du côté du patronat, Gattaz, le président du Medef, soutient Fillon mais il est loin de faire l’unanimité derrière lui. Macron a derrière lui la fine fleur des patrons de la nouvelle économie, mais séduit aussi une partie du grand patronat adhérent à l’Afep (association qui regroupe les plus grands groupes français). Au niveau syndical, les soutiens sont plus discrets mais Pierre Ferracci, dirigeant du groupe de conseil Alpha (initialement lié à la CGT) l’a mis en relation avec les leaders syndicaux, et on peut penser à des contacts plus poussés du côté CFDT.

Une stratégie attrape-tout

Pendant la majeure partie de sa campagne, il est resté vague sur son programme. Son objectif a été de se placer au centre de ce qu’il pense être les aspirations de la société. Il a voulu s’adresser à tout le monde, y compris  aux jeunes des banlieues.

Il panache baisse des impôts et des cotisations des entreprises, suppression de certaines cotisations salariés, hausse de la CSG, allègement de l’impôt sur la fortune et suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers. Tout le monde a l’air gagnant mais, en fait, si on additionne le tout, patrons et riches ramassent la mise. Il présente comme un gisement d’emplois la réforme du droit du travail, la flexibilité et le modèle Uber. Sur un certain nombre de terrains, il met le doigt sur des défaillances : il annonce ainsi 12 000 postes dans le primaire dans les zones difficiles et un remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires. Même si son objectif est au fond le même, Macron s’est bien gardé d’un discours austéritaire à la Fillon.

Le « troisième tour »

Macron est sans conteste l’homme du grand patronat. Il a su prendre la mesure de la crise de la 5e République et du système des partis. Dans la situation actuelle, son élection ne fait guère de doute. Il va continuer à émettre du brouillard et il a commencé à recueillir des ralliements tous azimuts.

Au deuxième tour, certains issus de la gauche et des classes populaires feront prédominer leur rejet du FN, tandis que d’autres (parmi les plus éloignés de la politique) risquent d’être attirés par le discours « social » du FN.

Aux législatives, la partie sera sans doute plus difficile pour lui : les appareils des partis referont surface et voudront faire de l’élection des députés un « troisième tour de la présidentielle ». Ils tenteront soit de peser (comme l’a annoncé Manuel Valls) sur les contours de la future majorité, soit d’assurer leur hégémonie en dehors de cette majorité, avec comme perspective les prochaines élections. Au-delà, les braises existent encore qui ont donné le mouvement contre la loi travail : à nous, avec d’autres, de les entretenir pour construire le seul « troisième tour » qui vaille, celui de la défense des acquis sociaux.

Mais il faudra aussi se mettre en situation de répondre à la crise politique dont le face-à-face Macron-Le Pen est l’expression...

Henri Wilno