Nul ne sait quelle tournure va prendre « l’affaire » des comptes de campagne d’Emmanuel Macron, mais le moins que l’on puisse dire est qu’elle est particulièrement révélatrice des mœurs de la Macronie. Car si les sommes en jeu sont bien moindres que celles, par exemple, de « l’affaire » du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, il n’en demeure pas moins que les pratiques mises au jour par les journalistes qui ont épluché les comptes de campagne de Macron donnent à voir une certaine idée de la politique.
Il s’agit principalement de « ristournes » accordées par divers prestataires lors de la location de salles et de matériel durant la campagne présidentielle. Bobino, la Mutualité, l’Usine… autant de salles qui ont ainsi accordé des rabais de 20, 30, 40 % au candidat Macron. Même chose côté location de matériel, avec d’importantes réductions consenties par diverses sociétés spécialisées dans l’événementiel.
Petits services entre amis ? C’est le moins que l’on puisse suspecter, a fortiori lorsque l’on sait que certaines de ces sociétés prestataires sont (ou ont été) dirigées par des soutiens de Macron : ainsi en va-t-il de GL Events, dont le PDG Olivier Ginon est un proche de Gérard Collomb, qui a par le passé attribué divers marchés publics à la société, ou d’Eurydice, dont l’ancien patron Arnaud Jolens est désormais « directeur du pôle image et événements de l’Élysée »…
Pour sa défense, l’équipe Macron a dans un premier temps expliqué, dans le langage fleuri des startupeurs qui la composent, avoir réussi à « tenir les coûts des différents événements grâce à une approche agressive des négociations commerciales. » Nul ne sait si les sociétés prestataires se sont senties « agressées », mais elles font aujourd’hui front avec l’exécutif, en employant des termes tout aussi poétiques, à l’instar de ce loueur d’écran géant cité par France Info qui évoque « un souci de fidélisation en vue de collaborations futures ».
Ainsi va la vie en Macronie, où la consanguinité entre responsables politiques et dirigeants d’entreprise – dont témoigne également la composition du groupe LREM à l’Assemblée – est telle que ces braves gens ne voient pas quel est le problème à mélanger politique et gestes commerciaux, à moins qu’il ne s’agisse d’un mélange entre gestes politiques et commerce. Car il s’agit pour eux d’un seul et même monde, celui-là même avec lequel des millions de salariéEs et de jeunes veulent en finir, exaspérés non seulement par les violences et les inégalités qu’il charrie, mais aussi par l’arrogance et le mépris des auto-proclamés « premiers de cordée ».
Julien Salingue