Le 18 juillet, l’Assemblée Nationale a donc adopté en procédure accélérée la nouvelle carte des 13 méga-régions françaises (il y en a actuellement 22). Une carte qui est le produit de tractations sans nom.
Les parlementaires doivent encore discuter du report des élections régionales et départementales (de mars à décembre 2015). Enfin, le vote global du projet de loi en première lecture est prévu pour mercredi 23. Mais le résultat ne fait guère de doutes, malgré les critiques qui fusent. En octobre, un second projet de loi sera présenté à l’Assemblée, relatif aux compétences des diverses collectivités locales. Les régions devraient y voir leur rôle profondément renforcé.
Projet inacceptableCe projet répond à de nombreuses exigences, notamment le fait de rapprocher le fonctionnement de l’État français de celui des autres États membres de l’Union européenne, en particulier de constituer une réplique des Länder allemands. À l’image de l’UE elle-même, c’est à une redéfinition technocratique, aussi éloignée que possible de l’intervention populaire qu’on assiste. L’idée est de transférer au niveau régional nombre de responsabilités, afin de faciliter la « modernisation » libérale. L’expérience montre en effet que plus les élus locaux sont proches des électeurs, ce qui est le cas au niveau départemental, plus ils résistent à mener des politiques « impopulaires », austéritaires (ne serait-ce qu’à cause d’un évident instinct de survie électorale...). Autre aspect décisif, les super-régions qui se mettent en place sont un niveau idéal pour démanteler les différents dispositifs nationaux : statuts des personnels, programmes d’enseignements, etc. Avec la réforme en cours, le principe de l’égalité d’accès au service public quel que soit son lieu de résidence appartiendrait au passé. Enfin, il ne fait de doute pour personne que les transferts de compétences (du département vers la région) induits par cette réforme seront l’occasion de nouvelles coupes budgétaires. Rappelons que les « dotations » versées par l’État aux collectivités devraient baisser de 11 milliards (sur une centaine actuellement) d’ici à 2017...
Tensions au PSAprès de nombreux autres, le vote de cette loi est l’occasion de nouveaux heurts au sein du PS. Cette fois, c’est Martine Aubry qui s’y colle... au prétexte du regroupement de la Picardie et du Nord-Pas de Calais. Il est certain que la région envisagée cumule les handicaps, notamment un chômage très supérieur à la moyenne nationale. Ceci étant, Aubry en a vu d’autres. Tout indique donc que cet épisode est le détonateur d’un processus plus profond : « Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat. On a réussi de belles choses mais on en a loupé d’autres » a-t-elle affirmé avant d’ajouter : « Si depuis deux ans dans tous les domaines, on avait eu une grande vision et une méthode, on aurait eu un peu moins de problèmes ». Hollande appréciera.... Côté Front de gauche, la critiques est encore pire : le PCF est vent debout contre cette réforme qui réduit encore le peu de pouvoirs qui lui restent... Rappelons qu’il ne dirige aucune région.
Accord tacite de l’UMP Dans ces conditions, le gouvernement ne peut espérer avancer sans le soutien de l’UMP. Valls lui-même a multiplié les appels du pied allant en ce sens : « Nous sommes prêts à accepter des amendements sur tous les bancs pour que la carte soit meilleure » déclarait-il récemment. On ne sera donc pas surpris que l’UMP soutienne dans les faits le projet, même s’il est impossible que le parti le vote en bloc : ce serait fournir au FN un argument en or. Tout au plus l’UMP aiguillonne-t-elle le gouvernement pour l’encourager à le droitiser encore plus... Mais il est déjà public que des personnalités de droite – et non des moindres – envisagent de voter le texte de Valls ou de choisir une abstention bienveillante, comme par exemple l’ex-ministre Xavier Bertrand.Ceci étant, rien n’est encore joué : l’affaiblissement du gouvernement est tel que tout peut s’effondrer à la première anicroche.
Pascal Morsu