Le PSU (Parti socialiste unifié), auto-dissous en 1989, a été fondé en 1960. Nombreux voulurent y lutter pour une alternative au capitalisme. Président de l’Unef en 1968, Jacques Sauvageot fait partie de ces militants du PSU qui ne se sont pas ralliés à l’ordre dominant. Que représentait le PSU (Parti socialiste unifié) pour un militant du mouvement étudiant dans les années 1960 ?D’abord une organisation non étudiante, une organisation qui n’était pas une organisation « de jeunes » ! C’était la possibilité de rencontrer des militants de tous âges, de tous milieux et origines, s’intéressant à tous les domaines de la vie sociale et politique. Et notamment des syndicalistes de tous les secteurs, des militants du domaine social… C’était ensuite le seul parti qui s’était vraiment engagé dans les luttes anticolonialistes et contre le régime gaulliste, qui proposait de repenser la vie et le monde autrement que dans le cadre du système capitaliste, mais sans s’aligner sur le « socialisme réel ». C’était enfin un parti où l’on pouvait penser, discuter, un parti ouvert, avec beaucoup de personnalités, et où tout le monde avait droit à la parole.En Mai 68, comment as-tu vécu ta responsabilité de porte-parole médiatisé de l’Unef et ton appartenance au PSU ? Le PSU a été très important pour nous tous, militants engagés dans le mouvement étudiant, et notamment à l’Unef. D’une part, avant Mai 68, parce que les contacts que nous avions eus, grâce au PSU, avec les mouvements dans d’autres pays, notamment en Italie, nous avaient « mis dans le bain ». D’autre part parce que le PSU nous a aidés à avoir tant des informations sur ce qui se passait un peu partout que des éléments d’analyse, de réflexion, de propositions, permettant de relier le mouvement étudiant au mouvement social général, et donc d’avoir des mots d’ordre susceptibles de contribuer à l’unité du mouvement ; ce qui, sur le plan de la « médiatisation », était important ! Et cela, sans remettre en cause notre indépendance. Le PSU ne nous a jamais dicté de mots d’ordre. Oui, on peut vraiment dire qu’il nous a vraiment aidés. D’autant plus que, grâce à ses militants dans tous les secteurs, investis dans les quartiers, les entreprises, chez les paysans…, il nous apportait un renfort considérable. Sur le plan pratique, la liaison avec le bureau national du PSU, et plus particulièrement avec son responsable aux questions étudiantes, Marc Heurgon, mais aussi avec Abraham Béhar ou Jean-Marie Vincent par exemple, a été constante tout au long de la période ; et nos contacts avec les dirigeants syndicalistes, SNES-Sup, CFDT et FEN en particulier, devaient beaucoup aux liens qu’entretenait avec eux le PSU, outre l’appartenance de nombre d’entre eux à ce parti. Tu as signé un appel pour le 50e anniversaire de la création du PSU qui déclare « le réalisme, c’est toujours l’utopie ». En quoi l’utopie est-elle toujours nécessaire et « réaliste » ?S’il n’y a pas d’utopie, il n’y a pas d’espoir, pas de vie ! Le réalisme seul, c’est l’habitude, au mieux la préservation des acquis, au pire celle de son siège, de son territoire, l’enfermement ! Et, au bout du compte, l’acceptation du système existant ! L’appel lancé à l’occasion du 50e anniversaire de la création du PSU témoigne de cette nécessité de la poursuite des luttes dans le cadre d’une « utopie réaliste », et pas simplement d’une vague nostalgie commémorative… C’est du moins ce que j’ai cru comprendre et qui, je crois, l’a été par ceux qui l’ont signé. Dans l’introduction que tu as préparée pour le livre sur les étudiants du PSU des années 19601, tu indiques que le PSU voulait construire dans un monde « moderne » une alternative au capitalisme qui ne soit pas celle du « socialisme réel » Comment poses-tu aujourd’hui la question de cette alternative au capitalisme ? À mon avis, la question d’un « socialisme moderne » se pose aujourd’hui, dans des termes qui, fondamentalement, ne sont pas différents de ceux des années 1960 : certes le socialisme réel s’est effondré, mais ce n’était pas un modèle, c’était plutôt un contre-modèle ; certes l’économie de marché semble l’emporter partout, mais on voit à quel prix ! Je lisais, il y a peu, un article dans lequel l’auteur écrivait que le capitalisme était fondé sur le fait qu’il devait faire le bonheur de l’homme, que tout le monde était d’accord là-dessus aujourd’hui. Eh bien non ! Ce n’est pas dans sa nature ni dans ses pratiques ! Il faudrait aujourd’hui arriver à repenser le monde, l’organisation de nos sociétés, autrement que dans l’acceptation du système dominant, ou sa dénonciation dans des termes simplistes, mais qui ne débouchent sur aucune construction vraiment nouvelle, que ce soit en termes d’organisation, de revendication et d’action. Propos recueillis par Jean-Claude Vessillier1. Au cœur des luttes des années 60, les étudiants du PSU, éditions Publisud, mars 2010.