Avec la loi « anti-casseurs » en cours d’adoption au Parlement, le gouvernement Macron-Philippe continue à bâtir pierre par pierre un édifice législatif de plus en plus liberticide.
C’est avec la constitutionnalisation de l’état d’urgence en octobre 2017 que s’est ouvert le bal des changements législatifs modifiant profondément l’exercice des libertés en France.
Macron ça rime avec « Liberté, je raye ton nom »
La loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » a fait sortir le pays de « l’état d’urgence », donc d’une situation a priori exceptionnelle... pour la transformer en situation pérenne ! En présentant le « terrorisme » comme une menace permanente, celui-ci fait désormais l’objet d’une police administrative, une police spéciale qui permet au pouvoir exécutif de limiter l’exercice de certaines libertés en fonction de la menace évaluée pour « l’ordre public ».
La liberté de circulation est ainsi largement écornée puisque le code de la sécurité intérieure autorise la création, par arrêté préfectoral, de périmètres de protection pour assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement. À l’intérieur de ce périmètre, les forces de police, y compris municipales si elles sont placées sous l’autorité d’un officier de police judiciaire, peuvent exercer des contrôles d’identité, palpations, fouilles des bagages et des véhicules. Les personnes qui refusent de s’y soumettre se voient refuser l’entrée du périmètre ou sont reconduites à l’extérieur. Ces dispositions ne changent guère des pratiques déjà existantes mais elles leur confèrent un fondement législatif solide.
La liberté de circulation individuelle fait également l’objet de restrictions, avec « la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance » susceptible d’être prise à l’égard d’une personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics », formule reprise des différentes lois sur l’état d’urgence. Et cette loi autorise les « visites et saisies » au domicile des personnes lorsqu’il il existe des « raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». La loi évite de mentionner des « perquisitions », terme réservé aux procédures pénales : c’est bien parce qu’aucune autorisation d’unE juge n’est nécessaire pour ces « visites et saisies ». Cette loi a fait entrer l’état d’urgence dans le droit commun grâce à l’inscription dans le droit pénal de la suspicion à la place du fait avéré.
« Terrorisme », « délinquance », « désinformation »… tout est prétexte !
Une fois lancée, la machine à légiférer vers moins de libertés ne s’est plus arrêtée. On peut citer pêle-mêle : la loi « asile-immigration » adoptée à l’été 2018, qui durcit encore plus les conditions d’entrée et de séjour des étrangerEs en France et qui criminalise les demandeurEs d’asile et celles et ceux qui les aident, la loi « contre les fake news » adoptée en novembre 2018, qui enfonce des coins dans la liberté d’expression et de la presse. Ou encore l’article 52A du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, adopté par les députés le 23 janvier, qui autorise le gouvernement à réformer l’Ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurEs par simple voie d’ordonnance, afin d’en finir avec l’idée que les mineurEs ne peuvent pas être jugés comme des adultes ! On peut ajouter à cet inventaire effrayant l’article 1 de la loi Blanquer sur « l’école de la confiance » destiné à museler le droit d’expression des personnels de l’Éducation qui voudront contester la politique ministérielle (voir pages 8-9).
Et bien évidemment, la cerise sur le gâteau sera dure à avaler avec la loi « anti-casseurs » adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 5 février. Cette loi, piquée à la droite sénatoriale la plus réactionnaire, renforce l’arsenal répressif déjà bien fourni contre les manifestantEs. Son véritable objectif n’a rien à voir avec son titre officiel de loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations ». Il s’agit, pour un pouvoir affaibli par une contestation sociale qui ne s’arrête pas, de répondre à la rue par la répression. Quitte à se mettre à dos une partie de l’intelligentsia et une partie de ses propres soutiens. Et voir Marine Le Pen se gargariser dans les médias de son vote contre, alors qu’on sait que la réponse de l’extrême droite à toute opposition politique et syndicale est la répression violente, est particulièrement désagréable !
Avec ce carcan liberticide, nul doute que Macron se prépare à affronter les mouvements sociaux que va continuer de provoquer sa politique de réformes pro-patronales : retraites, Sécurité sociale, destruction des services publics…
Marie-Hélène Duverger