Le récent rapport du Défenseur des droits intitulé « Prévenir les discriminations dans les parcours de soins : un enjeu d’égalité » (mai 2025) met en lumière un enjeu de santé publique encore trop souvent méconnu : les discriminations dans la santé.
La médecine est souvent associée à un profond humanisme universaliste, symbolisé par le serment d’Hippocrate, avec l’idée que chacunE doit avoir un accès égal au soin. Mais la médecine est aussi une discipline qui s’est construite sur une norme, basée sur le corps de l’homme blanc, qui peine à prendre en compte les différentes réalités des patientEs.
Une norme médicale sexiste et raciste
Par exemple, les médicaments sont quasiment tous testés exclusivement sur des hommes, leurs effets sur les femmes sont donc largement ignorés. Au-delà du standard du corps blanc et masculin, la norme médicale n’est pas une simple construction idéologique, elle s’enracine dans une réalité sociale, coloniale et politique marquée par le racisme. La science et la médecine ont contribué à créer ou à accréditer des thèses sexistes et racistes, thèses qui ont aussi servi à appliquer des politiques coloniales. Les discriminations dans l’accès à la santé, la prise en charge et le suivi sont donc de divers ordres : disparité des offres de soin sur le territoire et déserts médicaux, privatisation progressive de la santé, refus de soins pour les bénéficiaires de l’AME (Aide médicale d’État) ou de la CMU (Couverture maladie universelle), difficultés d’accès à la PMA notamment pour les femmes lesbiennes, pertes de chance, manque de matériel adapté pour les personnes en surpoids, sérophobie… Par ailleurs, leurs effets tendent à se cumuler : les personnes racisées sont par exemple plus concernées par les métiers plus précaires, avec davantage de risques psycho-sociaux.
Un rapport qui objective les inégalités
Le rapport du Défenseur des droits tend à montrer la façon dont cette organisation sociale a des conséquences en matière d’accès au soin et de prise en charge. En raison de violences verbales ou physiques comme les violences gynécologiques et obstétricales. En raison de préjugés et de stéréotypes, comme le syndrome dit méditerranéen, ce biais du corps médical selon lequel les personnes racisées seraient moins sensibles à la douleur et exagéreraient leurs symptômes et leurs souffrances. Statistiquement, un homme blanc a 50 % de chances de plus qu’une femme noire d’être considéré comme une urgence vitale quand il se présente à l’hôpital pour une douleur thoracique. Mais aussi en raison de prises en charge différenciées, comme les césariennes qui atteignent un taux de 31 % chez les femmes nées en Afrique contre 17 % pour celles qui sont nées en France. Un fait d’autant plus important que le taux de mortalité infantile, qui a augmenté ces dernières années en France, connaît de grandes disparités. Il est ainsi deux fois plus élevé dans les DOM (8 ‰) qu’en France métropolitaine (3,5 ‰) et il est proche de 3,4 ‰ pour les mères nées en France, alors qu’il atteint 7,5 ‰, soit plus du double, pour celles qui sont nées dans un pays d’Afrique.
Former, identifier, agir, lutter
Des initiatives existent pour lutter contre les discriminations dans la santé. L’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires a produit l’année dernière deux « racistomed » à destination des patientEs et des soignantEs sur le modèle du « violentomètre », pour permettre de mieux identifier les situations de discriminations raciales. En 2021, le médecin nigérian Chiedebere Ibea a publié plusieurs dessins anatomiques inclusifs représentant des peaux noires dans un contexte où l’écrasante majorité des illustrations scientifiques présentes dans les manuels médicaux représentent des corps d’hommes blancs.
Il faut maintenant développer des réponses et des revendications avec les syndicats, les associations de patientEs et les collectifs féministes, antiracistes, antivalidistes, etc., afin de créer des outils pour mieux accompagner les patientEs et améliorer leur prise en charge. Une partie de cette amélioration reposera nécessairement par la formation des professionnelLEs de santé tout au long de leur carrière, la mise en place de nouvelles méthodes d’accueil et de soins des patientEs et, de manière générale, l’amélioration de l’offre de soin sur tout le territoire, notamment avec des centres de santé ouverts, travaillant au quotidien avec les usagerEs, leurs familles, les travailleurEs sociaux, les associations : cela demandera des moyens humains et matériels importants pour lesquels nous devrons construire des mobilisations !
Commission Santé, Sécu, social