Plus de 9 000 tonnes d’un cocktail dangereux d’hydrocarbures polycycliques, de dioxines, de métaux lourds sont partis en fumée dans l’incendie de Lubrizol. Sans parler de l’amiante.
Préfet et ministres ont minimisé les risques de cette intoxication qui a frappé salariéEs, pompiers et riverainEs, dont les gens du voyage laissés sans protection. Un préfet qui a d’ailleurs refusé de déclencher les sirènes, lançant sur les routes, dans les transports et vers les écoles, salariéEs, parents et enfants. Les profits d’abord !
Parmi les conducteurs de bus de la TCAR, qui ont dû rouler dans le nuage toute la journée, 446 salariéEs sur 1 150 ont déclaré à l’infirmerie des signes d’intoxication : difficultés à respirer, toux, nausées, maux de tête… Un mois après l’incendie, 45 étaient encore en arrêt de travail. On voit dans les cabinets médicaux des personnes sans antécédent d’asthme, qui sifflent plusieurs semaines après l’accident. On parle alors de syndrome de Brooks. Des personnes qui souffrent de stress et d’anxiété réactionnelle. On voit les anomalies hépatiques des pompiers.
« Au-dessous des normes » ?
Tout va bien, finalement ? C’est ce que dit le préfet pour justifier sa mise en danger des populations. Il minimise les effets à long terme du nuage de pollution en disant que les prélèvements, de dioxines, d’amiante… sont normaux, car ils sont « au-dessous des normes » ! Des normes et des doses journalières admissibles anciennes, datant des années 1970, souvent issues d’un lobbying intense des industries chimiques et de l’amiante, parfois issues d’études falsifiées (on pense au scandale du Industrial Bio Test Lab). Qu’on en juge pour l’amiante. Après avoir « oublié » de signaler à l’Anses, l’agence de sécurité sanitaire, que 8 000 m2 de toiture fibro-ciment avaient brulé, le préfet se réjouit en déclarant que « le chiffre de 3 fibres par litre d’air est constitutif de ce qu’on appelle le bruit de fond », la concentration habituelle en milieu urbain. Mais ce taux date des années 1970, où l’air était beaucoup plus pollué ! En 2011, de nouvelles études du fond de pollution amiante donnaient des valeurs maximales de 0,08 f/litre. L’air rouennais post-Lubrizol était donc pollué à l’amiante 37 fois plus que l’air habituel !
Les risques sont pour demain
Les risques Lubrizol pour la santé ne sont pas derrière nous, mais bien pour demain. La pollution de l’air quotidienne, c’est 48 000 décès annuels en France, 2 600 rien qu’en Normandie. Pour Rouen, c’est 15 mois d’espérance de vie en moins ! Lubrizol va évidemment aggraver ce lourd bilan silencieux. Avec des risques à long terme aggravés de cancers, de maladies chroniques graves, cardio-respiratoires, AVC, infarctus, mais aussi pathologies neurologiques, troubles du développement de l’enfant, de la reproduction. Pour en savoir plus, des associations de femmes enceintes et allaitantes ont fait tester leur lait, y retrouvant nombre de polluants. L’association Respire va lancer sa propre étude épidémiologique, comme des paysanEs testent leur produits. La question de la santé sera bien au cœur de la manifestation des deux mois de Lubrizol.
Frank Cantaloup