Au mieux inefficaces, bien souvent dangereux... Les millions d’euros dépensés pour les médicaments contre la maladie d’Alzheimer sont l’autre face du scandale de la prise en charge des personnes âgées en France.
Quand le 30 janvier, les EHPAD sont en grève, le gouvernement répond que les caisses sont vides. Mais des millions d’euros sont donnés aux laboratoires pour des médicaments dont la Haute autorité de santé déclare elle-même qu’ils sont « inefficaces et potentiellement dangereux ». Ce sont ainsi près de 400 millions d’euros annuels qui ont été dépensés en pure perte dans les années 2000, et encore 180 millions en 2016, alors que se multiplient les interrogations sur l’efficacité des médicaments.
Médicaments inefficaces et dangereux
Le Professeur Olivier Saint-Jean, qui dirige le service de gériatrie de l’hôpital européen Georges--Pompidou, et qui est en outre membre de la commission de transparence de la Haute autorité de santé, demande que ces médicaments soient « retirés de la liste des médicaments remboursables ». Pour le Reminyl par exemple, dans deux études cliniques, le taux de mortalité, notamment cardio-vasculaire, est significativement plus élevé que celui du groupe placebo. Plus incroyable encore pour un médicament anti-Alzheimer, dans une vaste étude conduite en France sur plus de 10 000 patientEs, celles et ceux qui ont reçu ces médicaments ont un plus mauvais pronostic et vont plus souvent en EHPAD que les autres…
En 2011, la Haute autorité de santé retirait d’elle-même sa recommandation sur la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, favorable à ces médicaments. Il faut dire que le Formindep, l’association pour une formation médicale indépendante, l’avait attaquée devant le Conseil d’État, en prouvant que sur les 22 experts qui avaient écrit ces recommandations, « trois n’avaient pas déféré à l’obligation de déclarer leurs liens d’intérêts » avec l’industrie pharmaceutique, et que « onze avaient des conflits d’intérêts qui peuvent être aisément qualifiés de majeurs ».
Fin 2016, après des années de controverses, la Haute autorité de santé reconnaissait que le service médical rendu des quatre médicaments (Ebixa, Aricept, Exelon et Reminyl) indiqués dans le traitement de la maladie d’Alzheimer était « insuffisant » et proposait leur déremboursement. Mais, coup de theâtre et fait rarissime, la ministre de la Santé d’alors, Marisol Touraine, a refusé de se ranger à l’avis de la HAS.
De l’argent pour les EHPAD, pas pour les labos !
Ainsi, 30 à 40 000 patientEs sont encore traités chaque année pour le seul bénéfice de l’industrie pharmaceutique, avec à la clef des milliers d’accidents vasculaires, de troubles du rythme cardiaque, de crises d’angoisse, de fractures du fémur supplémentaires. Pour la revue médicale indépendante Prescrire, les médicaments anti-Alzheimer « ont une efficacité minime et transitoire » et « des effets indésirables disproportionnés ». Mieux vaut « se concentrer sur l’aide à l’organisation du quotidien, le maintien d’activité, l’accompagnement et l’aide de l’entourage ». Financer les profits des labos ou financer des milliers de postes d’aidantEs, d’aides-soignantEs ou d’infirmierEs, de kinésithérapeutes, d’orthophonistes, et réduire les tarifs des hébergements en EHPAD… Nous on a choisi, car nos mamies valent plus que leurs profits !
Frank Cantaloup