Le Sénat n’a pas voté le plan de déconfinement du gouvernement alors que, jusqu’ici, les sénateurs LR l’avaient suivi sans sourciller. C’est un des indices des difficultés politiques considérables auxquelles fait face le gouvernement.
Les sénateurs sont en partie le porte-voix des éluEs locaux, qui refusent d’assumer les responsabilités que le pouvoir veut leur mettre sur le dos. Les récents sondages montrent une chute (entre 6 et 8 points) de la confiance accordée au gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Et, autour de nous, on entend de multiples critiques contre les mesures prises par le pouvoir et son incapacité à résoudre la crise.
Mensonges et manquements
Au premier plan, il y a le scandale des masques. Après avoir prétendu que ceux-ci étaient inutiles ou que la population ne saurait pas les utiliser, le gouvernement veut maintenant les rendre obligatoires sous peine d’amende… alors qu’ils sont indisponibles ou chers ! Et ce n’est là qu’un des multiples mensonges qu’il a répandus, en particulier sur la préparation du pays à l’épidémie, la disponibilité des tests… Plus récemment, Édouard Philippe a prétendu que la France n’avait pas choisi entre les malades, alors que des hôpitaux ont dû « choisir » de ne pas soigner, ou de façon minimale, les plus âgéEs, dont une partie meurt en silence dans les EHPAD.
Ces mensonges et manquements, ainsi que les difficultés politiques qui en découlent, n’empêchent pas le gouvernement d’entreprendre son « déconfinement » à marche forcée. Les effets sont déjà visibles, avec plus de monde dans les rues, les transports en commun qui commencent à être saturés, les pressions dans différents secteurs professionnels pour la reprise du travail. Les effets vont s’étaler sur plusieurs semaines, notamment au gré des conditions de la reprise de l’école. Le droit de se déplacer devrait être rétabli le 11 mai, mais il sera limité à 100 km et souvent sous condition de porter un masque, voire, pire que tout, d’avoir l’autorisation de son employeur !
Le patronat dicte ses choix
Il n’y a pas de « jour d’après ». Le gouvernement travaille à une transition lente entre le confinement actuel, qui coûte trop cher au patronat, et un état d’urgence sanitaire réorganisant le fonctionnement de la société selon les désirs de celui-ci.
La peur de l’explosion sociale a contraint le pouvoir à mettre en place une série de mesures-tampons : prolongation des prestations sociales et de la trêve hivernale, places en hébergements d’urgence, aides financières aux bénéficiaires du RSA et d’allocations logement, aux jeunes précaires, etc. Mais ces aides, qui représentent quelques dizaines de millions d’euros alors que le gouvernement débloque, en comparaison, 110 milliards pour « soutenir l’économie », ne suffiront pas à amortir les effets dévastateurs de la crise économique et sociale.
C’est même le contraire car, si le gouvernement a reporté les réformes des retraites et de l’assurance chômage, une série d’attaques contre les salariéEs sont en route : augmentation du temps de travail, jours de congé volés, réorganisation du travail (pause méridienne à La Poste, télétravail, augmentation de la productivité, passages en 2 × 8 sous prétexte de limiter les contacts entre salariéEs…). Tout cela alors que des millions de personnes se retrouvent au chômage1 (déjà 7 % d’augmentation selon les chiffres officiels pour le mois de mars) et que le PDG de la SNCF parle « d’ajuster le niveau d’emploi ».
Le 26 novembre, le PDG du CNRS, Antoine Petit, souhaitait une « loi darwinienne » pour la recherche. La politique du gouvernement généralise la concurrence entre touTEs et la débrouille : à l’école, pour organiser l’accueil, pour la garde des enfants par leurs parents, pour s’organiser par rapport au travail, pour avoir des masques chirurgicaux – vendus 7 centimes en février et maintenant plafonnés à 95 centimes – et bien sûr dans ses rapports à son employeur.
Accélérer le retour de nos possibilités d’action
Ce darwinisme est combiné à une suspension des droits démocratiques. Le droit de manifester est suspendu, le droit de réunion également. La durée de la détention provisoire a été prolongée. Sous le prétexte de lutter contre l’épidémie, alors que bien sûr il est beaucoup moins dangereux de manifester, à un mètre d’écart et avec des masques, que de prendre les transports en commun pour aller travailler, et moins risqué de se rendre en réunion en respectant les gestes barrières que d’aller travailler à plusieurs centaines dans une usine.
Le 11 mai doit donc être perçu non pas comme le signal d’un déconfinement qui ferait vivre tout le monde « avec le virus », avec des protections et une organisation sociale qui limiterait les risques, mais comme le signal du déclenchement d’une réorganisation sociale dans tous les domaines.
Le gouvernement et le patronat sont à la recherche de ce bouleversement depuis plusieurs années, avec la loi travail, les attaques contre la protection sociale et bien d’autres mesures. La crise économique et la concurrence internationale accélèrent la nécessité de cette offensive contre la classe laborieuse. À nous, en multipliant les réunions d’informations syndicales, les assemblées générales, le retour aussi rapide que possible des manifestations physiques, d’accélérer le retour de nos possibilités d’action. Nous sommes déjà dans le « jour d’après », notre avenir dépend de notre capacité à y faire face.
- 1. « 49 % des entreprises n’ont pas renouvelé les CDD qui étaient en fin de contrat. Et les entrées au chômage pour fin de mission d’intérim ont augmenté de 151 % ». Source : https://www.francecultur…