La semaine dernière, Tout est à nous ! a rappelé comment les banques ont réussi à vider de leur substance la loi bancaire et la taxe sur les transactions financières. Les derniers jours ont vu se dérouler un feuilleton éclairant autour des fonds des livrets d’épargne : les banques, qui avaient obtenu 25 milliards d’euros, ont réussi à monter à 30 et puis, après en avoir touché deux mots à leur ami président (lors d’un entretien à l’Élysée le 19 juillet), vont en avoir 50 ! Jusqu’en 2008, le livret A était distribué par les caisses d’épargne et les bureaux de poste au titre de leurs activités financières (désormais regroupées dans la Banque postale). Les fonds recueillis étaient centralisés par un organisme d’État : la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La centralisation à la CDC permet d’affecter des fonds à des utilisations qui n’intéressent pas les banques. Ainsi, la mission première du Livret A reste de financer les logements sociaux et la politique de la ville.
Mettre la main sur les milliardsIl était intolérable pour les banques qu’une telle masse d’argent leur échappe (les sommes placées sur le livret A sont de 236,8 milliards d'euros en mai 2013). La loi du 1er janvier 2009 leur a donc ouvert la distribution des livrets (livret A et ses cousins : livrets de développement durable et d’épargne populaire). Les banques revendiquent bien évidemment de garder une part de cet argent et donc de ne pas le transférer à la CDC. En contrepartie, elles sont supposées l’utiliser pour des prêts aux petites et moyennes entreprises. En fait, elles interprètent la loi à leur manière pour limiter les prêts qui vont réellement aux PME : leur manque de transparence a été souligné par divers parlementaires et par un rapport officiel de 2012, le rapport Duquesne. Cela n’a pas empêché les banquiers de repartir à l’offensive pour faire baisser la partie centralisée à la CDC et récupérer le maximum de fric. Le 10 juillet, la presse financière annonçait que les banques avaient obtenu une rallonge de 25 milliards d’euros. Le 19 juillet, Moscovici annonce que ce sera 30 milliards. Le 22 juillet, les Échos écrivent que, en réalité, ce sera au total 50 milliards ! 30 milliards tout de suite et 20 milliards à l’automne après un « bilan »... Les banquiers ont donc obtenu les 50 milliards qu’ils réclamaient au départ. Dans le même temps, le taux du livret A va passer à 1,25 % à partir du 1er août, au lieu de 1,75 % actuellement. En fait, les banques vont être les principales gagnantes du relèvement du plafond du livret A !
Au service des banquesLe gouvernement prétendument « socialiste » se montre une fois de plus lamentable : le prétexte avancé (les banques vont prêter davantage aux PME) ne tient pas la route. S’il en avait la volonté, l’État disposerait, grâce à la CDC, d’un outil pour la mise en œuvre de sa politique, notamment en matière de logement social. Il se dessaisit d’une partie de ce pouvoir au bénéfice des banques, celles-là mêmes qui ont fait la preuve de leur nocivité, comme l’attestent de multiples exemples ces dernières années. Le ministère des Finances a déclaré que ce cadeau aux banques « permettra de faire face à la reprise attendue de l'économie » : on fait appel aux incendiaires pour calmer l’incendie (qui n’est pas prêt de se calmer par ailleurs) ! En fait, il s’agit une fois de plus de soutenir les banques françaises qui seraient fragilisées par de nouveaux soubresauts de la crise en Europe du Sud : « Tout cela est davantage fait pour améliorer les ratios des banques que pour financer l'économie », déclare la CGT de la CDC. Cette situation ne rend que plus nécessaire, légitime et urgente la socialisation de l’intégralité du système bancaire, comme l’affirme le programme du NPA.
Henri Wilno