Publié le Mercredi 16 février 2011 à 15h00.

La justice mobilisée

La politique sécuritaire du gouvernement et les provocations de Sarkozy ont provoqué une colère sans précédent chez les magistrats.La journée de mobilisation des personnels de la justice du 10 février a été un véritable succès. Les magistrats, les greffiers, les personnels des services de probation et d’insertion, de la protection judiciaire de la jeunesse ont manifesté leur colère partout en France. Il ne s’agit pas de simple mécontentement quant à la grande misère de la justice aujourd’hui mais d’une réelle colère après l’exploitation par Sarkozy d’un fait divers. À Nantes, le tribunal concerné par la provocation de Sarkozy, il y a seulement quinze conseillers pour s’occuper de 3 300 personnes avec des effectifs manquants de dix « équivalents temps plein » et il manque un juge d’application des peines depuis plus d’un an. Cette situation avait été signalée à la chancellerie qui avait de fait reconnu qu’il « n’était pas illégitime de trier les dossiers et d’établir des priorités ». Les juges et les conseillers d’insertion et de probation n’ont pas le droit de grève mais sont passés outre le 10 février. Cette mobilisation permet de mettre en avant l’indigence des moyens donnés à la justice pour fonctionner et surtout l’abandon perpétuel du « milieu ouvert », du suivi des peines alternatives, au profit d’une politique de l’enfermement systématique ; les augmentations de budget depuis plusieurs années sont uniquement alloués à la construction de nouvelles prisons. En novembre 2010, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice, appelait ainsi les organisations syndicales à la « responsabilité face à la dette publique » alors même que les syndicats l’alertaient de la situation intenable des Services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) confrontés à des annonces budgétaires calamiteuses et une augmentation des prises en charge des mesures de probation en milieu ouvert de 35 % en cinq ans ! Pour toute réponse, la chancellerie a annoncé le recrutement de retraités et de vacataires. Les juges sont dans le collimateur de Sarkozy depuis longtemps et il ne rate pas une occasion de les rendre responsables de faits divers dramatiques et de les accuser de laxisme. Et pourtant les peines tombent et la justice a de plus en plus la main lourde. La politique sécuritaire du gouvernement (seize lois répressives en dix ans) n’échappe pas à l’injonction paradoxale : « faire plus avec moins ». Pour le NPA, cette mobilisation devrait être l’occasion de remettre en cause non seulement la question des moyens mais le fonctionnement de la justice. Soumis aux ordres par son statut, le parquet surveille l’application de la politique pénale du gouvernement basée sur la répression comme par exemple l’application stricte des peines planchers. Les magistrats qui dérogent à la règle se voient imposer des mutations ou sont mis au placard. La réforme de la carte judiciaire qui a supprimé de nombreux tribunaux d’instance, l’augmentation des poursuites provoquées par la politique du chiffre du ministère de l’Intérieur, l’aggravation des peines encourues font exploser la machine judiciaire. Le populisme pénal qui consiste à surfer sur l’émotion de la population, à désigner en permanence des coupables, à pratiquer une justice d’abattage, explique l’ampleur de cette mobilisation. Il est temps de dire stop au tout pénal et au tout carcéral. Cela signifie dans l’immédiat l’abrogation de toutes les lois répressives votées depuis dix ans, la fin de la sujétion du parquet à la chancellerie et au-delà la mise en place d’une réflexion qui permette de repenser le sens de la peine. Dans le dispositif pénal, la réinsertion devrait être l’objectif principal et pour cela, ce sont les peines alternatives à la détention qui devraient être la règle. Anne Leclerc