Le 3 décembre dernier, personnels et étudiantEs découvraient des banderoles « Universités en danger » accrochées sur les murs des campus. Actions syndicales ou étudiantes ? Non, une opération de communication des présidences d’université elles-mêmes !
Pour que des artisans de l’autonomie des universités et des soutiens indéfectibles des politiques libérales dans l’ESR s’expriment de la sorte, c’est que la crise dans laquelle les politiques néolibérales ont plongé tout l’ESR public est profonde.
Désengagement de l’État et hausse des frais
Depuis des années, la part de l’ESR dégringole dans le budget de l’État. Elle est passée de 6,8 % du budget de l’État en 2011 à 5,3 % en 2025. Un sous-financement qui s’élève aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros, soit un déficit de 408 millions pour les salaires et le financement, et de 760 millions d’euros pour l’investissement dans l’ensemble du périmètre de l’ESR. Les missions d’enseignement supérieur (formation) perdent 2,26 % entre 2024 et 2025, le programme « Vie étudiante » (bourses, logements…) près de 3 %.
Depuis la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) mise en place par Valérie Pécresse en 2007, les universités sont désormais autonomes dans le domaine budgétaire et la gestion de leurs ressources humaines… mais elles sont sommées de répercuter les mesures gouvernementales. Ainsi, à travers le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions (hausse des cotisations employeurs pour les retraites), les mesures Guerini (« revalorisation » du point d’indice en 2022 et 2023), l’évolution structurelle de la masse salariale (le GVT-glissement vieillesse technicité) et toutes les mesures en lien avec la trajectoire de la loi de programmation de la recherche (régimes indemnitaires, repyramidages de corps), les établissements doivent supporter des charges budgétaires supplémentaires monstrueuses, alors même que les subventions pour charge de service public (les dotations de l’État) ne suivent plus.
À toutes ces mesures s’ajoute, ces dernières années, une explosion des coûts liés à l’électricité et fluides. Des dépenses évaluées à plus de 100 millions d’euros par les présidents d’université. Et, cerise sur gâteau pour les établissements, leurs fonds de roulement sont ponctionnés à hauteur de 1,4 milliard d’euros par l’État. Bercy voit en effet d’un très mauvais œil ces milliards d’euros qui « dorment », pourtant fléchés pour l’investissement et l’innovation.
L’austérité pour touTEs
Aujourd’hui 60 des 75 universités sont en déficit, contre 30 en 2023 et 15 en 2022. Des déficits qui vont très sérieusement se transformer en cessation de paiement pour certaines d’entre elles, laissant craindre des mises sous tutelle par l’État via les rectorats. Une mise sous tutelle qui se caractérise alors par un retour brutal à l’équilibre et à l’orthodoxie budgétaire (suppression et gel de postes, fermeture de formations) sans discussion démocratique dans quelque instance que ce soit.
D’ores et déjà de nombreuses universités ont annoncé que les conséquences en matière d’emplois, de formation et de recherche allaient être sévères pour les étudiantEs et les personnels : gel des campagnes d’emploi, suppression de postes à travers des non-remplacements, contractualisation accrue, politiques indemnitaires suspendues pour les personnels. Et pour les étudiantEs, baisse des capacités d’accueil, heures supprimées dans les formations, groupes de TD surchargés ou TD basculés en cours magistraux, quand ce ne sera pas tout simplement des formations supprimées. Des sites de proximité (comme à Saint-Brieuc ou Moulins) sont menacés, tout comme des formations professionnalisantes et populaires, comme les IUT.
Recruter 60 000 personnels d’ici à 2035
Pour faire face à ces situations intenables, les présidences d’université vont devoir agir à travers leurs sources de financement propres. Des hausses de frais d’inscription désormais devenues possibles à travers une dérégulation complète de l’ESR, la constitution d’établissements publics expérimentaux et la sortie du code de l’éducation. Autre levier budgétaire, la taxe d’apprentissage, dont la part dans les budgets des universités ne cesse de croître.
Cette crise budgétaire conjoncturelle de l’ESR vient percuter une crise bien plus structurelle. Alors que le nombre d’étudiantEs a augmenté de 23,4 % ces dix dernières années, le nombre de personnel a lui augmenté de 0,1 % et celui des enseignantEs de 2,6 %. Le taux d’encadrement s’est ainsi effondré de 20 % avec des disparités sociales qui se creusent entre universités riches (Saclay) et pauvres (Nîmes, Rennes-2). Pour l’intersyndicale de l’ESR, il faut dès à présent recruter 10 000 personnels, 60 000 à l’horizon 2035 et enfin consacrer 3 % du PIB à l’ESR.