Les sidérurgistes d’Arcelor Florange qui s’étaient promis d’être le cauchemar de Sarkozy pourraient bien devenir celui du gouvernement Hollande-Ayrault. Construire la mobilisation sur le site, se coordonner avec les autres mobilisations contre les fermetures de sites et contre les licenciements sont plus que jamais à l‘ordre du jour. Lionel Buriello, secrétaire de la CGT d’Arcelor Florange, évoque les objectifs, les difficultés et les espoirs de cette bataille.
Quelle est votre réaction après l’annonce de l’abandon du projet Ulcos par Mittal ?Mittal se désengage de la phase 2 d’Ulcos (enfouissement) mais pas de la phase 1 (captage). Ulcos n’est qu’un aspect de la question et le retrait de Mittal un signe sur la valeur de ses engagements. Même si la CGT n’est pas hostile à ces projets, ce n’est pas la solution miracle, ni en matière industrielle ni pour la sauvegarde de nos emplois. La question, c’est le maintien en activité du haut-fourneau jusqu’à l’éventuelle mise en œuvre réelle d’Ulcos, c’est-à-dire deux ans minimum.
Qu’elles sont vos exigences en matière industrielle et économique ?C’est le maintien de l’activité sur l’ensemble du site parce qu’on ne peut pas le saucissonner. Il faut garder la cohérence industrielle : filière chaude, filière froide avec les différents débouchés (automobile, packaging, électro-ménager). Le rapport Faure, effectué à la demande du gouvernement, démontre que toutes ces filières sont rentables, mais pas suffisamment pour Mittal qui exige plus de 15 % de profitabilité. Une logique financière qui n’a rien à voir avec une logique industrielle et ne se soucie pas des emplois. Il faut des décisions cohérentes industriellement, prenant en compte l’emploi et les conditions de travail.
Tout le contraire de l’accord Mittal-gouvernement ?Cet accord est une tromperie complète. Sur les 180 millions d’euros d’investissements promis par Mittal, seuls 53 millions représentent vraiment des travaux d’investissement hors entretien normal. En fait, toujours suivant le rapport gouvernemental, il faudrait au minimum 400 millions pour assurer réellement la pérennité du site. Nous demandons à Hollande de déchirer cet accord bidon et de reprendre la discussion en tripartite : État, Mittal, syndicats.
Et de nationaliser ?Notre histoire, dans la sidérurgie, montre que ce n’est pas une solution en soi. La nationalisation temporaire mais immédiate, cela nous sortirait des griffes de Mittal. C’est en ce sens qu’elle reçoit l’appui des salariés. Mais pas plus. Au-delà il faut des solutions industrielles qui pérennisent l’emploi. C’est l’intérêt d’une nationalisation, même temporaire. Avec une participation des salariés aux décisions grâce à la présence de 25 % de représentants au conseil d’administration, nous pourrions peser sur les décisions, même dans un groupe restant privé. C’était le sens de la proposition de Montebourg et des élus de la région. Et le revirement du gouvernement est une véritable trahison. Il a choisi son camp : celui de Mittal et du Medef. Mais pas pour revendre à Mittal après…
Imposer cette politique nécessite une forte mobilisation ?Dans notre filière, nous sommes malheureusement habitués depuis des dizaines d’années aux fermetures de sites et aux suppressions d’emplois. Il y a donc un réel fatalisme et une recherche de solutions individuelles qui rendent difficile la mobilisation. Retraite anticipée pour les anciens, travail au Luxembourg pour les jeunes, les « entre-deux » comme moi sont parfois un peu seuls. Et puis l’accord bidon avec Mittal et le renoncement sur la nationalisation ont été durs à encaisser. On se retrouve avec deux adversaires : Mittal et le gouvernement. Mais on se battra jusqu’au bout.
Pour cela il faut prendre des initiatives, tenter des convergences ?Bien sûr. Nous sommes convaincus que c’est essentiel. Mais on a déjà tellement de travail pour construire la mobilisation dans notre entreprise, qu’il est difficile de prendre des initiatives en direction des autres boîtes en luttes. La rencontre de 22 équipes syndicales en lutte à la fête de l’Huma, la manifestation au Mondial de l’automobile ont été des temps forts, des initiatives qui donnent le moral. C’est dans cette voie que nous devons aller. C’est sûr, il faut le faire.
Quelle est l’attitude des autres syndicats locaux ?La CGC accepte l’accord gouvernement-Mittal. FO est d’accord avec nous pour le moment, mais on craint fort qu’au bout du compte, ils s’alignent sur la position gouvernementale. La CFDT, c’est compliqué : un jour, ils sont pour Ulcos et la nationalisation, le lendemain contre… Pour le moment on est ensemble pour construire la mobilisation et c’est l’essentiel.Propos recueillis par Robert Pelletier