L’Observatoire des inégalités vient de publier son rapport pour l’année 2021. Il apporte des informations utiles et confirme que, au-delà des discours des dirigeants, la crise sanitaire a approfondi les inégalités.
Le « retour de l’État » vanté par certains n’est pas synonyme de politiques plus progressistes. Le néolibéralisme, ce n’est pas moins d’État mais un État encore plus étroitement au service du capital. Alors qu'avant la crise de 2008, les aides de l'État aux entreprises ne représentaient « que » 65 milliards d’euros par an, puis 110 milliards d’euros en 2012, François Hollande et son conseiller puis ministre Emmanuel Macron les ont fait grimper jusqu’à 150 milliards d’euros avec le pacte de responsabilité et le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Soit l’équivalent de deux fois le budget de l’Éducation nationale. Et près de cinq fois le montant de l’impôt sur les sociétés (31,5 milliards en 2019).
9,3 millions de pauvres
Avec la crise sanitaire, le « quoi qu'il en coûte » de Macron, suivant de quelques mois la dénonciation du « pognon de dingue » affecté aux minima sociaux, s'est concrétisé par des aides de 155 milliards d'euros aux entreprises en 2020 « en même temps » que la précarité alimentaire s’étend à de nouveaux milieux et que des milliers d'étudiantEs font la queue devant les banques alimentaires.
Avec un seuil de pauvreté de 1063 euros, le nombre de personnes pauvres s'élève à 9,3 millions, soit 14,8% de la population. Une situation qui frappe particulièrement les jeunes avec un taux de pauvreté des 18-29 ans passé de 8,2% en 2002 à 12,5% en 2018. Lorsqu’ils et elles travaillent, les jeunes sont de plus en plus souvent, et longtemps, en CDD ou intérim : chez les moins de 25 ans, plus d’un sur deux est en contrat précaire.
Pendant ce temps–là, les 10% les plus fortunés possèdent 46,4% de l’ensemble du patrimoine des ménages. Des fortunes immenses s’accumulent au sein d’une poignée de familles : celle de Bernard Arnault, patron de LVMH, possède, par exemple, un patrimoine équivalent à la valeur de l’ensemble des logements de Toulouse.
Inégalités scolaires
L’école contribue de moins en moins à la réduction des inégalités. Les enfants des catégories populaires (ouvrierEs, employéEs) accèdent moins aux formations supérieures, doivent plus souvent combiner études et travail et sont souvent dans des filières qui ne débouchent pas sur des emplois stables. C’était déjà vrai avant le covid, mais cette situation s’est probablement aggravée avec les réformes impulsées par Blanquer. Le rapport souligne que les plus pénalisés par les périodes de confinement sont sans aucun doute les enfants des familles les moins diplômées. CertainEs jeunes risquent de décrocher. Celles et ceux en formation professionnelle ou en études supérieures ont aussi subi la baisse du nombre de stages, d’autant plus difficiles à obtenir que l’on ne dispose pas d’un réseau social développé.
Précarité du logement
Au moment où prend fin la trêve hivernale contre les expulsions locatives, selon la Fondation Abbé Pierre, 4 millions de personnes sont mal logées en 2021. 300 000 personnes, dont plus de 200 000 gens du voyage, vivent dans des habitats de fortune et 2,1 millions dans des logements inconfortables (dans lesquels manque au moins un élément de confort de base : eau courante, WC intérieur, coin cuisine, chauffage rudimentaire). S'ajoutent plus de 900 000 personnes qui manquent d'espace, plus de 800 000 « sans logement » vivant en centre d'hébergement, hôtel, dans des caves, halls d'immeubles, sous des ponts...
Il ne suffit pas de traverser la rue
Dans quelques semaines, le gouvernement devrait mettre en œuvre au forceps une réforme de l'assurance chômage qui, selon l’Unédic, impactera 1,15 million de personnes la première année avec une baisse des allocations de 17% en moyenne et pouvant conduire, à situations égales, à une indemnisation variant du simple au cinquantuple en fonction de la date de survenue et de la répartition des emplois dans la période de référence.
Selon l'INSEE, la France comptait 2,5 millions de chômeurEs totaux en 2019 soit 8% de la population active. Un chiffre auquel il faut ajouter 3,6 millions de travailleurEs précaires : principalement des personnes en intérim ou en contrat à durée déterminée, dans le secteur privé ou public. On recense aussi 1,6 million de personnes découragées qui ne recherchent plus activement un travail tant la situation du marché de l’emploi est dégradée. Elles ne sont donc plus comptées parmi les chômeurEs, mais considérées comme « inactives ». Selon l'Observatoire, on peut estimer le nombre de personnes en situation de « mal-emploi » à 7,7 millions au total, soit 25% de la population active. Le taux de chômage dans les quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville est près de trois fois plus important que dans les quartiers environnants selon les données 2018 de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) et de l’Insee. Chez les jeunes actifs de moins de 30 ans, le taux approche même les 33%, contre 15% dans les autres quartiers.
La pandémie amplifie les inégalités
L'Observatoire traite bien d'autres sujets, comme les conditions de travail ou les inégalités entre territoires, les discriminations et inégalités que subissent que subissent les femmes. Ce qui ressort, alors que les éléments chiffrés sont encore peu nombreux sur 2020 et 2021, c'est que la pandémie liée au covid 19 semble avoir amplifié les tendances lourdes d'une société française où les fractures sociales sont plus béantes que jamais. Selon une étude du service statistique du ministère du Travail, la crise sanitaire a entrainé une dégradation des conditions de travail pour plus de 40% des travailleurEs. Une autre étude montre que les salariéEs de la « deuxième ligne » sur lesquels tant de bonnes paroles ont été déversées par le gouvernement en 2020, continuent de subir des salaires plus bas, sont plus souvent précaires, davantage concernés par le temps partiel et les horaires atypiques, connaissent davantage le chômage, encourent plus de risques professionnels et subissent plus d’accidents. Et ce n’est pas la « prime Macron » dépendant de l’arbitraire des patrons qui va résoudre leurs problèmes !
En fait, la politique de Macron et ses sbires est orienté vers la perpétuation d’un système inégalitaire dans lequel les dominants utilisent tous les moyens pour conforter et renforcer leurs avantages. Une situation qui ne sera malheureusement pas au centre des discours des principaux acteurEs des prochaines échéances électorales.