Ces deux dernières semaines, Macron puis le Premier ministre Philippe ont reçu les prétendus « partenaires sociaux » pour préparer la séquence des ordonnances devant enfoncer de nouveaux coins dans le code du travail.
Sur la base d’annonces d’agressions sociales pourtant moindres, la CGT et FO avait refusé de participer aux conférences sociales de Hollande en 2014 et 2015... Et maintenant ?
Un casting très « classe »
Avec Muriel Pénicaud, nouvelle ministre du Travail, le cadre est fixé. Après avoir été conseillère de la ministre du Travail Martine Aubry, elle a occupé des postes de responsabilité chez Danone, Dassault, Orange, la SNCF et dernièrement comme directrice générale de Business France... Elle défend le Crédit impôt recherche... qui a pourtant créé un manque à gagner de 6 milliards d’euros d’impôts supporté par les contribuables.
Son directeur adjoint sera Stéphane Lardy, inspecteur général des affaires sociales et secrétaire confédéral de Force ouvrière en charge de l’emploi et de la formation professionnelle entre 2007 et 2016. Antoine Foucher, directeur général adjoint du Medef, très proche de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie et de son président, M. Saubot, est nommé directeur de cabinet chargé des dossiers de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de la pénibilité.
Le « social » sera (mal)traité par plusieurs personnes : Pierre-André Imbert, conseiller social de l’Élysée, et ancien directeur de cabinet de Myriam El Khomri au ministère du Travail ; le juriste Franck Morel, conseiller social de Matignon, et ancien des cabinets des gouvernements Fillon, un expert pouvant déclarer : « s’il ne peut expliquer à lui seul l’insuffisance des créations d’emplois (…), le droit du travail joue, à l’évidence, un rôle clé dans le mauvais fonctionnement du marché du travail » ; Thomas Fatome, directeur de cabinet adjoint du Premier ministre, en provenance de la direction de la Sécurité sociale, ancien directeur de cabinet de Laurent Wauquiez au secrétariat d’État à l’Emploi...
La duperie du « dialogue social »
Alors que ce gouvernement s’apprête à faire passer en force de graves régressions sociales, les directions des principales organisations syndicales concentrent leurs critiques... sur l’agenda ! Au sortir des entretiens, tous les responsables syndicaux se félicitaient d’avancées… dans le dialogue ! Le plus vindicatif était Gattaz, c’est dire.
Ainsi, Mailly – rappelant les ordonnances mettant en place la Sécurité sociale ou les « mitterrandiennes » de 1981 sur la retraite à 60 ans, la réduction du temps de travail et la 5e semaine de congés payés – déclare que la procédure des ordonnances ne serait finalement pas un obstacle. Pour lui seul le contenu importe ! Comme s’il y avait la moindre illusion sur celui-ci.
Pour Berger, c’est « paroles, paroles, paroles » : seules les discussions importent puisque sur beaucoup de points, la direction de la CFDT est plutôt sur la même ligne que Macron. Berger n’a même pas un mot un peu dur pour critiquer la mise au rencart du dispositif sur la pénibilité dont il avait pourtant fait la grande justification de son soutien à la réforme Fillon sur les retraites.
Enfin, Martinez martèle un désaccord quasi total avec les projets gouvernementaux et son refus de la procédure des ordonnances... mais insiste, malgré tout, lui aussi sur la nécessité de dialoguer. Et surtout, il repousse toute initiative nationale à septembre, quand « les salariés rentrent en forme de congés ».
Combattre dès maintenant les régressions sociales
Face à un tel programme, de telles méthodes et un tel casting, l’heure ne saurait être à disserter sur consultation/concertation/négociation et défense et illustration du « dialogue social ». Il faut construire la mobilisation en s’appuyant sur les luttes existantes (routiers, secteur du nettoyage, Tati, GM&S, Seita, Air France...), avec la colère qui le dispute à la résignation, sur le refus unanime du plafonnement des indemnités prud’homales.
Certes l’enchaînement des séquences électorales, les divisions syndicales, le sentiment d’impuissance né des échecs des mobilisations sociales des dernières années, le désarroi face à l’absence de réponses politiques rendue flagrante lors de l’élection présidentielle, ne fournissent pas le meilleur point de départ. Mais il ne suffira pas de débattre localement, boîte par boîte, des moyens de construire la nécessaire riposte. Il faut que, dès le mois de juin, des initiatives nationales soient placées dans l’agenda social.
À cette étape, la date du lundi 19 juin initiée par le Front social peut être utile. Cela à condition de travailler dans la forme à l’élargissement démocratique de la construction de la mobilisation, et sur le fond à des mots d’ordre qui correspondent aux préoccupations des salariéEs, dans lesquels se reconnaissent dans un premier temps toutes celles et ceux qui se sont mobilisés contre la loi travail. Un travail à la fois urgent et de longue haleine.
Robert Pelletier