Publié le Vendredi 26 décembre 2025 à 11h00.

DNC. Trois questions à Thomas Gibert, porte-parole national de la Confédération paysanne

Maraîcher en Limousin, Thomas Gibert revient sur la mobilisation des éleveurEs face à l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), les choix imposés par le gouvernement, les fractures au sein du monde agricole et les perspectives de convergence des luttes. Entretien réalisé le mercredi 17 décembre 2025.

Quelle est l’intervention de la Confédération paysanne dans la mobilisation des éleveurEs ?

Depuis le début de l’épidémie de DNC, on soutient les éleveurEs qui s’opposent à l’abattage de leur troupeau. On les suit dans leur décision de poursuivre ou pas le combat. Les premaiers blocages d’abattage ont eu lieu en Haute-Savoie. La répression a commencé dans le Doubs, avec l’utilisation de gaz lacrymogène et de LBD, et elle a été à son paroxysme en Ariège.

En parallèle, la Confédération paysanne a appelé à des mobilisations et blocages partout dans le pays. Très suivis, puisqu’on a atteint 44 mobilisations le week-end du 13 décembre, et ça s’amplifie. Les annonces de la ministre ne sont pas de nature à nous calmer.

Le petit élargissement de la zone vaccinale à trois départements ne correspond pas à nos revendications, à savoir : vaccination sur tout le territoire pour permettre l’immunité effective, comme le préconise l’EFSA (l’autorité européenne de sécurité des aliments), protocole scientifique validé par la Fédération des vétérinaires européens, déjà appliqué à la Réunion en 1992 lors d’une épidémie de DNC. La décision d’abattage systématique découle d’une vision centrée exclusivement sur les éleveurs tournés vers l’exportation et l’économie libérale.

Peut-on parler d’une fracture dans le monde agricole ?

La fracture est entre, d’un côté, les dirigeants de la FNSEA, qui sont les grands gagnants du système économique libéral tourné vers l’exportation, et, de l’autre, les éleveurEs ainsi sacrifiés, et dont les défenseurs du libre-échange n’ont rien à faire.

D’autres choix étaient pourtant possibles : vacciner l’ensemble du territoire, perdre momentanément le statut d’indemne et négocier avec l’Italie et l’Espagne pour continuer les exportations le temps que l’immunité collective soit effective. Mais ça allait faire perdre de l’argent aux gros exportateurs.

Ce choix, au sein même de la FNSEA, n’est pas du tout compris par la base. Sur les blocages, nombreux sont les paysans encartés FNSEA. Et plusieurs fédérations départementales de la FNSEA s’opposent à la politique sanitaire choisie par leur direction nationale.

Sur le terrain, comment ça se passe avec les autres forces, notamment la Coordination rurale ?

Avec la Coordination rurale (CR), avec qui il y a le plus de liens sur cette bataille-là, on a des fractures idéologiques extrêmement profondes qu’il n’est pas question de mettre sous le tapis. Mais on a aussi la même sensibilité à défendre les éleveurEs : c’est une question qui nous prend aux tripes. Le troupeau, c’est nos vies, on a des relations très particulières avec nos animaux.

D’autre part, on a une carte à jouer concernant l’élargissement du mouvement avec la question du Mercosur, rejeté par l’ensemble des organisations. Si signature il y a, il est fort probable que ça pète partout dans les campagnes. On a fait un appel au soutien des organisations syndicales et de l’ensemble de la population pour rejoindre nos mobilisations, car l’alimentation, ça concerne tout le monde. Il faut que le mouvement social comprenne que c’est un enjeu. Le camp progressiste n’est pas à la hauteur sur la question de la ruralité.

Les pratiques violentes de la CR nous posent clairement problème, et nous pouvons aussi en être victimes. Mais on essaie de trouver, d’une part, des réponses économiques à la précarité de la ruralité et au problème systémique d’isolement, et, d’autre part, des réponses de solidarité internationaliste.

Propos recueillis par Aurélie