SalariéEs du public, du privé, jeunes, chômeurEs et retraitéEs sont visiblement disponibles, par dizaines ou centaines de milliers quasiment chaque semaine depuis la rentrée, pour engager sérieusement la lutte contre le gouvernement et le patronat. Ce constat provoque de plus en plus de discussions sur la stratégie des directions syndicales parmi les militantEs syndicalistes et les salariéEs les plus déterminés à stopper l’offensive menée par Macron et ses sbires. Quand vont donc cesser les appels dispersés, secteur par secteur, public d’un côté, privé de l’autre, syndicat par syndicat ?
Gagner face à Macron, c’est possible !
Une première évidence s’impose : si ces quatre journées avaient été regroupées les unes derrière les autres la même semaine, cela aurait forcément donné une autre force et une autre dimension au mouvement, pour commencer à faire vivre la réalité de la grève qui peut bloquer l’économie. Une deuxième évidence s’impose ensuite : pourquoi découpler la mobilisation du public et du privé ou celle des cheminotEs de celle des fonctionnaires ou des métallos ou des salariéEs de la santé alors que nous sommes touTEs attaqués et que c’est seulement touTEs ensemble qu’on peut gagner ? Des évidences peut-être. En tout cas de plus en plus partagées parmi celles et ceux qui sont les plus mobilisés... mais bien loin de ce que sont en train de nous concocter les dirigeants des principales organisations syndicales pour la suite du calendrier de mobilisation.
En finir avec la stratégie de la dispersion
De la réunion intersyndicale du 9 octobre n’est sorti que l’appel de la seule CGT à la mobilisation le 19 octobre, car aucune autre direction syndicale n’a jugé bon d’appeler à quoi que ce soit. Solidaires peut critiquer les appel aux journées « saute-moutons » de la CGT mais n’a aucune stratégie alternative à cette heure. L’appel au 19 a été d’ailleurs timide du côté de la CGT elle-même : dans certains départements, la CGT n’a même pas clairement appelé à la grève ni à manifester. Une nouvelle réunion des directions nationales des syndicats se tient le 24 octobre : il y sera question d’une nouvelle journée de mobilisation au mois de novembre. En clair : il est urgent d’attendre. La CGT compte cette fois sur FO pour un appel commun contre les ordonnances sur le travail. Mais le même jour aura lieu aussi une intersyndicale de la Fonction publique… le comble serait qu’on se retrouve avec deux journées séparées public/privé !
Refuser la mascarade du « dialogue social »
Pendant ce temps-là, le ballet des « discussions» a repris à l’Élysée et à Matignon, cette fois sur la réforme de la formation professionnelle et de l’assurance chômage. Tous les dirigeants syndicaux ont accepté l’invitation du président et du Premier ministre, y compris ceux de Solidaires. Mais sourire à Macron et serrer la main de Philippe sous les flashs des photographes, c’est entrer dans leur jeu, car l’objectif du gouvernement est clair : il prétend ouvrir des négociations, puis il mènera sa politique comme il l’a décidé, c’est-à-dire uniquement dans l’intérêt des patrons ! En prétendant discuter avec les organisations syndicales sur d’autres sujets que la loi travail, le gouvernement veut nous faire croire que les ordonnances, c’est plié et dans la poche, et qu’il faut passer à autre chose. Le compte rendu interne à la CGT de la rencontre entre Martinez et Macron n’a pas dû faire très peur au gouvernement puisqu’il se conclut par ses lignes : « En résumé, Macron a pris quelques engagements et nous ne manquerons pas de vérifier que ceux-ci seront tenus. »
Imposons notre calendrier : celui pour gagner !
Macron, lors de son interview de dimanche soir, s’est (mal) défendu d’être le président des riches et a effectivement assuré qu’il allait tenir ses engagements ! Sur son agenda proche figurent notamment les attaques contre l’assurance chômage : les « fainéants » seront bientôt moins indemnisés, et moins longtemps. Une raison supplémentaire pour ne plus rester l’arme au pied.
Le gouvernement peut reculer. Il l’a fait une première fois devant la menace des routiers de bloquer le pays. La deuxième fois s’est déroulée en toute discrétion, jeudi 12 octobre, pour les salariéEs des ports et docks : il ne sera pas non plus possible dans ce secteur de négocier entreprise par entreprise sur des questions cruciales pour les salariéEs, et la primauté de la convention collective sur les ordonnances travail est garantie. Le gouvernement ne s’exprime bien sûr pas sur ces reculades, car il ne veut pas que cet exemple puisse être contagieux. Car c’est la preuve qu’il est tout à fait possible de défaire ce qui a été fait et voté, et que le gouvernement serait bien incapable de résister à une mobilisation massive des travailleurEs.
Jusqu’à présent, c’est lui qui a imposé son agenda. C’est maintenant à nous de le bousculer et d’imposer notre calendrier social : avant la ratification des ordonnances par le Parlement mi-novembre, il faut une manifestation nationale et une vraie journée de grève interprofessionnelle pour démarrer le mouvement d’ensemble, qui passe inévitablement par la grève reconductible.
Marie-Hélène Duverger